Tout part d’une lettre anonyme, rédigée par le compagnon d’une des domestiques de la maisonnée Monnier : Blanche, 52 ans, serait retenue prisonnière dans le domicile familial, dans des conditions particulièrement odieuses.
« Le commissaire de police se rendit chez Mme veuve Monnier qui refusa de le recevoir, le priant d’aller trouver son fils, M. Monnier, ancien sous-préfet, demeurant rue de la Visitation dans une maison voisine.
M. Monnier fit également répondre au commissaire qu’il ne recevait personne. Le commissaire central insista, finit par être reçu par M. Monnier, qu’il somma de lui laisser voir sa sœur. […]
Lorsque le commissaire central ouvrit la porte, une obscurité presque complète y régnait. Une odeur infecte se répandait dans le réduit, dont la fenêtre était fermée, garnie de bourrelets, et les persiennes closes cadenassées.
Dans un coin, se trouvait un grabat, une paillasse pourrie. Là, sur une toile cirée, reposait un être humain réduit à l’état de bête sauvage, se cachant sous une couverture, poussant des gémissements inarticulés.
La malheureuse était entièrement nue. Sa maigreur était telle qu’on eût dit un squelette : les cuisses étaient de la grosseur du poignet d’une personne ordinaire, les bras comme le goulot d’une bouteille ; les doigts avaient le volume d’un crayon et, au bout, des ongles d’une longueur démesurée. Quant à la figure, c’était à faire frémir. Les cheveux, mêlés depuis tant d’années, formaient une natte indescriptible, semblable à du crin emmêlé. Là-dedans grouillait une vermine énorme et infecte.
L’infortunée était couchée sur une sorte de croûte formée par ses excréments, ses déjections, des débris de viande, de pain en putréfaction entassés là depuis des années ; autour de tout cela, des vers énormes rampaient, des rats, de la vermine de toutes sortes vivaient là et se reproduisaient en toute liberté, au milieu de cette infection constante. »