Devant les enjeux soulevés par l’affaire, le cas Redureau intéresse immédiatement l’écrivain, qui en fait sa deuxième chronique judiciaire.
Comme dans La Séquestrée de Poitiers, André Gide se borne aux faits ; il entend démonter scrupuleusement les théories pour ne conserver que le trouble du massacre inexplicable. Il faut connaître son œuvre pour deviner entre les lignes une fascination pour la figure du meurtrier adolescent impassible, dont il scrute le moindre frémissement, de son arrestation à sa condamnation.
Le poète Jean Audard, âgé d’à peine 17 ans, interprète quant à lui littéralement le titre de la collection des chroniques judiciaires de Gide, « Ne Jugez pas », dans sa critique lyrique publiée dans Les Cahiers du Sud.
« La foule qui condamne n’est pas plus libre que le criminel qu’elle condamne. Le juré est le représentant des honnêtes gens qui ne veulent pas être troublés dans leur bedonnante tranquillité.
La seule raison d’être de la punition – et en cela on ne saurait méconnaître absolument sa nécessité – est l’élimination sociale.
Jusqu’à ce jour, les jurés, qui sont des hommes moraux, ignares et conservateurs n’ont considéré cette élimination que sous le jour de la vengeance. Et les peines sont afflictives et infamantes.
Pour nous, qui comprenons le caractère évidemment attristant de cet acharnement de marionnettes sur une autre marionnette, la peine doit de toute nécessité perdre ces caractères, et cela serait sans doute possible par une organisation judiciaire et répressive plus compréhensive, une révision du Code et du système pénitentiaire.
Ce qui nécessite avant tout, d’ailleurs, une refonte de l’opinion publique. »
Marcel Redureau, l’adolescent homicide, mourra au bagne deux ans après sa condamnation aux travaux forcés, à l'âge de 18 ans, des complications dues à une tuberculose.