Généalogie

Un commerce dans la famille ? Imprégnez-vous des lieux grâce à RetroNews !

le 11/09/2023 par Tony Neulat
le 22/02/2022 par Tony Neulat - modifié le 11/09/2023
Commerce à Reims dans les années 1940 - source : © Tony Neulat.

Comme évoqué précédemment, la presse ancienne constitue un allié précieux pour entrevoir la vie d’un commerçant à travers le prisme de son commerce. Et réciproquement, l’histoire d’un commerce, inextricablement liée à celle de ses propriétaires, transparaît également au fil des annonces légales, des publicités et des avis divers.

Une enquête en appelle souvent une autre. Alors que je parcourais les journaux d’époque dans RetroNews à la recherche de quelques anecdotes sur l’oncle Valère D’hose, j’ai découvert que sa femme avait acquis, le 24 décembre 1942, un café-hôtel-restaurant situé à Bourges et dénommé « l’Hôtel de la Coquille », et ce, grâce à une annonce commerciale parue dans La Dépêche du Berry :

Il n’en faut guère davantage pour piquer ma curiosité. Où était situé cet hôtel ? Depuis quand existait-il ? A quoi ressemblait-il ? A qui a-t-il appartenu ? Aurait-t-il été le théâtre d’événements particuliers ? J’entreprends naturellement quelques recherches dans RetroNews… sans me douter des nombreuses surprises qui m’attendent.

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Plusieurs options complémentaires de recherche s’offrent à nous pour dénicher des mentions de cet hôtel dans la presse ancienne : une recherche des mots-clés « hôtel coquille Bourges » en sélectionnant « chercher dans le paragraphe » ; la même recherche sur les mots-clés « hôtel coquille nationale » (cet hôtel étant situé avenue Nationale) ; ou mieux encore une recherche sur les mots-clés « hôtel coquille » circonscrite au département du Cher grâce au filtre « Lieu de Publication : 18 – Cher ». Ces possibilités de recherche, réservées aux abonnés, livrent chacune plus de 200 résultats ! Une fois triés par date croissante, à l’aide du menu déroulant situé en haut à droite, ces nombreux extraits de journaux nous livrent en pointillé l’histoire de cet hôtel sur plus de 100 ans, où propriétaires et clients, festivités et rixes, ventes et vols se succèdent.

L’Hôtel de la Coquille, connu autrefois sous le nom d’Auberge de la Coquille, est attesté dans la presse ancienne dès 1835, à l’occasion d’une annonce de vente parue dans le Journal du Cher du 22 décembre 1835.

Au-delà de son ancienneté, cette annonce est inestimable à plusieurs titres. Tout d’abord, elle indique la localisation de l’auberge : « située à Bourges, faubourg St-Privé, sur la grande route de Bourges à Paris et à la Charité ». Ces précisions sont capitales pour situer cette auberge, dont l’adresse plus récente, « 6 avenue Nationale », n’est plus usitée de nos jours. En les confrontant au cadastre napoléonien, il est en effet possible de localiser précisément le bâtiment, situé actuellement au 6 avenue Marx Dormoy.

Localisation de l’auberge de la Coquille sur le cadastre napoléonien. © AD 18.

En outre, cette annonce nous livre une description fidèle du bâtiment :

« Elle se compose de quatre corps de bâtiment formant un carré, grande cour au milieu, et consistant au rez-de-chaussée en une cuisine, salle à manger, quatre chambres, plusieurs écuries, grand magasin volailler et lieux d’aisances ; et au premier, plusieurs autres chambres ; des greniers à mettre du blé, régnant sur toute la longueur du principal corps de bâtiment ; ceux au-dessus du magasin et des écuries peuvent contenir 200 milliers de foin, caves à mettre environ 50 pièces de vin, puits dans la cour et 3 boisselées de jardin en bon rapport derrière le grand magasin. Cette auberge a son entrée sur le faubourg St-Privé par une grande porte charretière. »

Enfin, elle finit de nous combler en précisant l’étude notariale (« Mme Morand, notaire à Bourges ») qui recevra la vente, nous offrant ainsi la possibilité de consulter le contrat aux archives départementales et de découvrir l’identité des vendeurs et acquéreurs.

Malgré les « facilités pour le paiement » proposées, la vente tarde à être conclue puisque cette annonce paraît à plusieurs reprises pendant six mois, jusqu’au 28 mai 1836.

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EN SAVOIR PLUS

L’Hôtel de la Coquille refait son apparition le 15 août 1839 au travers d’une vente aux enchères parue dans le Journal du Cher. Une fois encore, les acquéreurs ne semblent pas se bousculer au portillon car une nouvelle adjudication est annoncée le 1er décembre 1839 dans le Journal du Cher :

Le 27 avril 1860, une annonce légale d’une grande richesse, parue dans Le Courrier de Bourges, nous révèle qu’un certain sieur Jacques Lathène, maréchal-ferrant, acquiert « une maison servant d’auberge, appelée l’Hôtel de la Coquille, située à Bourges, faubourg Saint-Privé » moyennant la somme de 12 320 francs. Elle fournit en outre la liste des 15 propriétaires précédents de l’auberge, lesquels semblent tous plus ou moins apparentés !

Diverses annonces dans les journaux de l’époque permettent d’identifier quelques propriétaires successifs de l’hôtel :

  • 1873 : Jacques Lelarge (Journal du Cher du 28 octobre 1873)
  • 1887, 1888, 1890, 1891, 1892 : Antoine Mulet (Journal du Cher des 13 et 14 septembre 1887, 1er janvier 1888, 12 juin 1890, 9 juillet 1891, 21 et 22 juin 1892)

Le bâtiment entier est proposé à la location, avec ou sans matériel, en 1902, comme en témoignent de nombreuses annonces publiées dans l’Indépendant du Cher et le Journal du Cher. A l’image de cette annonce du 10 juillet 1902 qui précise qu’il s’agit d’un immeuble très vaste.

A partir du début du XXe siècle, les différents propriétaires successifs peuvent être identifiés de manière continue.

Dès 1906 jusqu’en 1917 : l’hôtel est détenu par Eugène Bouquet et sa femme Louise Perroy, cités à plusieurs occasions (annonces des 15 et 21 juin 1906 dans le Journal du Cher, des 22 décembre 1907 et 20 février 1913 dans la Dépêche du Berry). Le couple vend l’hôtel en 1917 comme le confirment les avis de cession de fonds de commerce des 23 septembre et 4 octobre 1917 parus dans la Dépêche du Berry.

De 1917 à 1924 : les nouveaux acquéreurs, le couple François Vioux et Marie Louise Armande Penicaud, procèdent, à partir de 1922, à plusieurs ventes de mobilier (à la suite de difficultés financières ?) qui nous permettent d’apprécier l’intérieur de cet hôtel (cf. annonces des 12 et 19 mars 1922 et du 28 janvier 1923 dans La Dépêche du Berry).

De 1924 à 1929 : Jean Marchal et son épouse Joséphine Drouin acquièrent l’Hôtel de la Coquille en mars 1924 comme l’attestent les avis des 6 et 16 mars 1924 diffusés dans La Dépêche du Berry. C’est l’occasion pour les nouveaux propriétaires de rappeler tout l’attrait de cet hôtel, dans une publicité diffusée à deux reprises dans la Dépêche du Berry, les 11 et 17 février 1924 :

Malheureusement, Jean Marchal décède le 22 novembre 1926, dans sa 51e année, d’après l’avis de décès publié dans la Dépêche du Berry :

Six mois plus tard, sa veuve décide de vendre l’hôtel par adjudication amiable (annonces des 29 mai, 5 juin, 19 juin 1927 dans La Dépêche du Berry et le Journal du Cher) mais la vente ne se concrétise qu’en octobre 1929 (avis de cession de fonds de commerce des 24 octobre et 2 novembre 1929 dans La Dépêche du Berry).

De 1929 à 1932 : Gaspard Mercier, ancien hôtelier, et sa femme Amélie DAUGU rachètent ainsi l’Hôtel de la Coquille en 1929 mais le revendent moins de trois ans plus tard (avis des 8 et 18 septembre 1932 publiés dans la Dépêche du Berry).

De 1932 à 1933 : la nouvelle propriétaire de l’hôtel, Victoire MOREAU, ne jouira pas longtemps de sa toute fraîche acquisition. Elle décède quelques mois plus tard, le 12 mars 1933, dans sa 58e année, comme l’attestent son avis de décès du 13 mars 1933 et les publications de décès du 19 mars 1933 parus dans la Dépêche du Berry. Ses héritiers vendent aussitôt l’hôtel.

De 1933 à 1934 : Jean-Baptiste Grabias et sa femme Henriette Bez acquiert l’Hôtel de la Coquille en juin 1933 (avis des 3 et 14 juin 1933 dans la Dépêche du Berry). Malchance ou gestion catastrophique, l’hôtel est en liquidation judiciaire six mois plus tard ! C’est ce que révèlent diverses annonces légales et notamment celle du 11 janvier 1934 publiée dans la Dépêche du Berry .

Dans le cadre de cette procédure, des enchères publiques sont organisées le 29 mars 1934 (annonces des 18 et 25 mars dans la Dépêche du Berry) mais personne ne semble se manifester car une nouvelle session est organisée le 27 octobre 1934 (annonces des 21 et 25 octobre dans le même journal). Quelques jours plus tard, les 3 et 8 novembre 1934 (cf. annonce du 1er novembre dans le même journal), se tient une vente aux enchères des effets personnels de Jean-Baptiste Grabias. Cet avis est particulièrement intéressant puisqu’il liste précisément le mobilier et les divers modèles de voitures et de camionnettes détenus par l’hôtelier.

De 1934 à 1941 : Auguste Pauvrehomme et sa femme Nathalie Delteil se portent finalement acquéreurs pour l’hôtel en novembre 1934 (avis des 10 et 22 novembre publiés dans la Dépêche du Berry). A cette occasion, la galette est offerte à tous les consommateurs le samedi 10 novembre ! Ce détail nous est révélé par l’avis du 10 novembre 1934 dans la Dépêche du Berry. Hélas, le pauvre homme, si j’ose dire, décède quelques mois plus tard, le 4 février 1935, dans sa 57e année, comme l’indiquent ses avis mortuaires des 4 et 8 février 1935 dans la Dépêche du Berry et les publications de décès du 6 février 1935 dans le même journal. Troisième décès en moins de dix ans parmi les propriétaires de l’Hôtel de la Coquille… Il faut croire que l’on ne fait pas de vieux os dans ce métier car tous décèdent à une cinquantaine d’années.

De 1941 à 1942 : Joseph Sirot, au nom prédestiné, rachète l’Hôtel de la Coquille en octobre 1941 à la veuve Pauvrehomme (avis des 26 octobre et 6 novembre 1941 parus dans la Dépêche du Berry). Mais il ne tarde pas à revendre l’hôtel, en décembre 1942, à Gisèle Ravizé épouse Valère D’Hose (cf. avis du 24 décembre 1942 dans le même journal). Est-ce à la suite de son implication dans le trafic de fausses cartes de pain et de son séjour en prison que Joseph Sirot prend cette décision ?

De 1942 à 1943 : l’hôtel ne reste pas longtemps entre les mains de Valère D’hose et de sa femme Gisèle Ravizé puisqu’ils procèdent à sa vente en mai 1943 (avis des 6 et 27 mai 1943 communiqués dans la Dépêche du Berry).

A partir de 1943 : Marcel Migraine et sa femme Bleuette Duquenet sont les derniers propriétaires connus de l’hôtel. En effet, notre précieuse source, La Dépêche du Berry, se tarit… sa publication cessant en 1944.

Néanmoins, la consultation de sources connexes, antérieures et postérieures, permettrait de compléter ce bref historique de l’Hôtel de la Coquille. En particulier, le Bulletin Officiel des Annonces Commerciales dévoilerait que l’Hôtel de la Coquille, sis 6 avenue Marx Dormoy, est rebaptisé « Au Rendez-vous des Amis » en 1968. Le propriétaire de l’époque avait-il conscience, en modifiant la désignation de son commerce, qu’il mettait fin à une tradition de plus de trois siècles ? Car l’appellation « Hôtel de la Coquille » est mentionnée dès 1648 dans un acte notarié, comme l’atteste l’inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790 du Cher. Sans doute pas…

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PS : les lecteurs assidus auront noté qu’il nous reste à répondre à la question la plus prégnante : l’Hôtel de la Coquille a-t-il été le théâtre d’événements particuliers ? La réponse au prochain épisode

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Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiquesRetrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.