La mystérieuse mort du pape Benoît XV
Alors qu’il revient de la célébration d’une messe, le pape Benoît XV attrape froid et doit rester alité. En peu de jours, l’état de santé du souverain pontife s’aggrave, jusqu’à son décès le 22 janvier 1922. La presse française, tout comme l’opinion publique, est prise au dépourvu et demeure dépendante des déclarations officielles de la presse italienne.
Une agonie médiatisée
Le 18 janvier 1922, l’information selon laquelle l’état de santé du pape serait préoccupant circule dans toutes les rédactions.
Chaque article donne des détails sur l’état de santé mais ne fait que reprendre les articles parus dans les journaux italiens, comme la Gazzetta del Popolo. Les journaux relaient ainsi les inquiétudes des familiers du souverain pontife qui se demandent s’il lui sera possible d’accueillir le roi des Belges.
La presse française est alors entièrement dépendante de la presse italienne et des agences comme Havas. Ce manque d’informations directes se ressent notamment avec La Croix qui, le 20 janvier, doit se contenter de publier les bulletins de l’agence Havas datés du 18 janvier.
La lecture de la presse démontre qu’en France, personne ne connaît le véritable état de santé du pape, comme L’Écho de Paris titrant que « l’état du Saint-Père n’inspire jusqu’ici aucune inquiétude » alors que Le Figaro indique que « l’état du souverain pontife s’est subitement aggravé ».
Le 21 janvier 1922, la presse française annonce en Une l’aggravation de la santé du pape et multiplie les portraits de Benoît XV. La journée de Benoît XV est ainsi décrite dans les moindres détails, chaque visite, chaque geste est commenté.
Même le journal communiste L’Humanité consacre un article à la nouvelle et y adjoint une notice nécrologique avant l’heure, critiquant l’attitude qui fut celle de Benoît XV durant la Première Guerre mondiale.
La fausse nouvelle puis le dénouement fatidique
Le 22 janvier à 6h05, le docteur Cherubini annonce la mort du pape. Plusieurs journaux français n’ont pas eu le temps de modifier leur une et titrent sur l’agonie de Benoît XV, Le Figaro titrant que « le dénouement fatal semble imminent ».
La Presse est l’un des seuls titres à annoncer la mort du pape.
Les incertitudes sont telles que durant la journée du 21 janvier la fausse nouvelle de la mort du pape se diffuse en Europe, amenant le président du Reichstag, Loebe, à prononcer un éloge funèbre. Le 23 janvier 1922, la nouvelle est connue et tous les journaux y consacrent de nombreux articles. Tout est détaillé, des circonstances du décès aux préparatifs du prochain conclave. Le corps du pape est transporté dans la salle du Trône. Certains journaux se montrent assez hostiles à l’action de Benoit XV comme Le Siècle qui le qualifie de « figure falote ».
L’Humanité relativise l’importance de la nouvelle, assurant que depuis longtemps « l’Église, force de conservation sociale, complice de l’exploitation capitaliste, a perdu toute autorité morale sur les hommes ». Abordant la question des papabili, L’Humanité ironise en certifiant que « quel que soit le choix de ces messieurs, il ne sera pas de nature à ranimer cette force du passé qu’est le catholicisme ».
Dans toutes les capitales européennes, l’annonce du décès pontifical donne lieu à des déclarations officielles et à des prières ou des cérémonies. Les journaux relatent également les manifestations de sympathie, qu’elles soient populaires, comme les 100 000 personnes venues se recueillir devant le catafalque ou diplomatiques, comme la visite du président du Conseil, M. Poincaré, à la nonciature.
Même en cette occasion, le journal monarchiste et catholique L’Action française manifeste sa germanophobie, titrant que « le bandit d’Ameronge » a envoyé ses condoléances, ce bandit étant l’ancien empereur Guillaume II.
Les doubles préparatifs
La dépouille est inhumée dans les grottes du Vatican au-dessous du maître-autel de Saint-Pierre.
Le 26 janvier 1922, la cérémonie d’inhumation, « cérémonie impressionnante » selon Le Gaulois, se déroule dans une basilique fermée au public. Seuls les cardinaux, les membres du corps diplomatique et les représentants du patriciat romain y ont assisté. L’Ouest-Éclair en propose une relation très détaillée dans son édition du 27 janvier 1922.
Le 28 janvier 1922, un service solennel, auquel assistent les membres du gouvernement, est célébré à Notre-Dame ainsi que dans de nombreuses capitales.
Le 23 janvier 1922, Le Figaro s’interroge sur les délibérations à venir du conclave et fait remarquer que « pour la première fois depuis d’innombrables années », la France va s'y trouver. Ne pouvant y échapper, Le Figaro consacre tout de même un article afin de dresser la liste des papabili.
Le 25 janvier 1922, Le Petit Parisien analyse la composition du prochain conclave et note, à peine 48 heures après la mort du pape, l’apparition de deux camps : « les intransigeants, groupés autour du cardinal Merry del Val, [qui] reprochent au cardinal Gasparri sa communication officielle au gouvernement italien ».
À partir du 27 janvier, les articles relatifs aux derniers instants de Benoît XV côtoient les articles, de plus en plus nombreux, consacrés aux préparatifs du conclave.