Les derniers instants de Louis XVI, selon son bourreau
Un mois après l’exécution du roi, le célèbre bourreau de Louis XVI Charles-Henri Sanson prend la plume. Afin de répondre aux rumeurs entourant le supplice du dernier monarque absolu, il adresse au Thermomètre du jour une missive détaillant sa montée vers l’échafaud.
Le monde entier sait ce qu’il s’est passé le 21 janvier 1793. A l’issue d’un procès rapide, après quatre années de chamboulement politique sans précédent, le roi Louis XVI devenu le citoyen Louis Capet, s’avance vers la guillotine sise Place de la Révolution. Les historiens s’accordent à dire que plus que sur ses actes, Louis XVI fut décapité pour ce qu’il incarnait, soit « l’ordre théologico-politique » tel qu’il existait en France depuis Clovis.
Dès les premiers jours à la suite de l’exécution, les rumeurs vont bon train à Paris. Pourquoi sur l’échafaud « Capet » a-t-il voulu s’avancer vers la foule ? Qu’a-t-il dit ? En vue de rétablir la vérité et de répondre aux calomnies proférées par le ouï-dire et les rédacteurs du Thermomètre du jour, le bourreau en personne, Sanson, rédige une courte lettre. Celle-ci est censée évoquer en détail les derniers instants du roi, mais aussi son courage devant la mort. Elle est publiée in-extenso dans l’édition du Thermomètre du 21 février 1793, un mois jour pour jour après l’événement ayant mis un terme définitif au « monde d’avant ».
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Au rédacteur.
Voici, suivant ma promesse, l’exacte vérité sur ce qui s’est passé à l’exécution de Louis Capet.
Descendant de la voiture pour l’exécution, on lui dit qu’il falloit ôter son habit, il fit quelques difficultés, en disant qu’on pouvoit l’exécuter comme il étoit. Sur la représentation qui- la chose étoit impossible, il a lui-même aidé à ôter son habit. Il fit encore la même difficulté lorsqu’il s’agit de lui lier les mains, qu’il donna lui-même, lorsque la personne qui I’accompagnoit lui eut dit que c’étoit un dernier sacrifice.
Alors il s’informa si les tambours battoient toujours. Il lui lut répondu qu’on n’en savoit rien et c’étoit la vérité. Il monta sur l’échafaud, et voulut s’avancer sur le devant, comme pour parler ; mais on lui représenta que la chose étoit impossible. Il se laissa alors conduire à l’endroit où on l’attacha et d’où il s’est écrié très-haut : « Peuple, je meurs innocent ! » ; ensuite se retournant vers nous, il nous dit : « Messieurs je suis innocent de tout ce dont on m’inculpe ; je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des français. »
Voilà, citoyen, ses véritables et dernières paroles.
L’espèce de petit débat qui se fit au pied de l’échafaud, rouloit sur ce qu’il ne croyoit pas nécessaire qu’il ôtât son habit, et qu’on lui liât les mains. Il fit aussi la proposition de se couper lui-même les cheveux.
Pour rendre hommage à la vérité, il a soutenu tout cela avec un sang-froid et une fermeté qui nous a tous étonnés. Je reste très-convaincu qu’il avoit puisé celte fermeté dans les principes de la religion dont personne ne paroisoit plus pénétré et plus persuadé que lui (I).
Signé Sanson, exécuteur des jugements criminels.
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(I - addendum du rédacteur) Comment allier ces principes de religion qui condamnent le crime, les perfidies, les trahisons, avec les crimes démontrés, les perfidies de Louis ? Comment allier la conscience de ses propres forfaits, avec la fermeté de l’innocence ? Ou Louis étoit un des hommes les plus opiniâtres dans ses opinions criminelles, ou son hypocrisie l’a suivi jusqu’à la mort ; ou bien il étoit l’homme le plus fanatique, le plus crédule, le plus imbécile de tous ceux que les prêtres aient aveuglés.