Écho de presse

Quand les Parisiens se pressaient aux combats d'animaux

le 22/05/2020 par Marina Bellot
le 19/06/2018 par Marina Bellot - modifié le 22/05/2020

De 1778 à 1850, de sanglants combats d'animaux attiraient une foule considérable les jours de fête aux portes de Paris – un divertissement qui sera interdit dans le sillon de la création de la Société protectrice des animaux. 

« Combat de chiens contre un loup, un sanglier, un cerf, un ours et un taureau, suivi d’un grand feu d'artifice. »

Voici le genre de spectacles sanglants auxquels on pouvait assister à Paris entre 1778 et 1850 à la barrière du Combat, dans le quartier du même nom (devenu en 1945 la place du Colonel-Fabien).

La barrière du Combat fait alors partie du mur des Fermiers généraux. Positionnée en arc de cercle, elle permet de laisser ce cirque sauvage à l'extérieur de la ville.

Les Parisiens en sont pourtant friands. L’annonce des combats est régulièrement publiée dans la presse et attire une foule nombreuse les dimanche d’été et les jours de fête.

En 1894, Le Petit Parisien décrit, non sans horreur, ce lieu populaire typique d'un Paris déjà lointain :

« C'était un des pôles de la capitale, célèbre par les sanglants spectacles qui y étaient donnés. 

De la barrière du Combat, un chemin bourbeux, devenu la rue de Meaux, conduisait à Montfaucon, autre arène de mort, vaste enclos coupé de lacs puants et de monticules où s'érigeaient jadis les fourches patibulaires.

On n'y exécutait plus, à l'époque dont nous parlons, que les chevaux condamnés à être abattus et les chiens ramassés sur la voie publique.

Le combat des animaux avait lieu à quelques cents pas de la barrière, le Iong de ce chemin, en une enceinte délabrée, garnie tout autour de cages qui renfermaient des molosses aux crocs terribles et aux yeux injectés, des ours, des taureaux, des chevaux estropiés, des ânes éreintés, des cerfs destinés à servir de proie aux carnassiers. » 

Et de raconter l’ignoble (mais prestigieux, à l'époque) spectacle auquel avait été convié une nuit Honoré de Balzac, avec d’autres brillantes personnalités de l’époque : ​ 

« Au milieu de la nuit, un des plus vigoureux chevaux de l'écurie [...] fut amené à Montfaucon dans l'enclos d’équarrissage et, à la lueur des torches, en moins de deux heures, dépecé par des légions innombrables de rats accourus de toutes parts à ce festin. 

Les rats repus et le cheval réduit à l'état de squelette, on déchaîna des chiens qui commencèrent, aux dépens des rongeurs, un carnage effrayant. 

Mais les rats se défendirent et plus d'un dogue fut par eux mis à mal. 

La lutte se serait même terminée par leur victoire si les équarrisseurs n’étaient venus au secours des chiens, dont plusieurs périrent. 

Les hommes, attaqués aussi, sortiront de l'enclos en assez piteux état. [...]

Balzac, enchanté de sa nuit d’épouvante, compara [ce drame] à un poème. » 

Un autre auteur en vue de l’époque, Jules Janin, raconta dans L’Ane mort  un « lamentable spectacle » qui lui broya le cœur :

« La porte s'ouvrit, et je vis entrer un pauvre âne. Il avait été fier et robuste ; il était triste, infirme, et ne se tenait plus que sur trois pieds. [...]

Le malheureux commença d'abord par chercher l'équilibre ; il fit un pas, puis un autre pas, puis il avança autant que possible sa jambe droite de devant, puis il baissa la tête, prêt à tout. 

Au même instant, quatre dogues affreux s'élancent ; ils s'approchent, ils reculent, et enfin ils s'enhardissent, ils se jettent sur le pauvre animal. 

La résistance était impossible ; l'âne ne pouvait que mourir. Ils déchirent son corps en lambeaux ; ils le percent de leurs dents aiguës : l'honorable athlète reste calme et tranquille ; pas une ruade, car il serait tombé, et comme Marc-Aurèle, il voulait mourir debout. 

Bientôt le sang coule, le patient verse des larmes, ses poumons s'entrechoquent avec un bruit sourd... Enfin l'âne tombe sous leurs dents... » 

Dans le sillon de la création de la Société protectrice des animaux en 1845, ces spectacles furent interdits. Mais la SPA eut bien d’autres combats à mener, notamment contre les courses de taureaux. 

En 1911, alors qu’une corrida tragique à Toulon a horrifié l’opinion – le torerro fut embroché sur une corne du taureau – Le Petit Journal dénonce avec force les « sauvageries du temps présent ». Et revient sur les « plaisirs barbares du temps passé » à la barrière du Combat :

« Que de criminels firent leur apprentissage à la barrière du Combat et mirent en pratique les leçons qu'ils y avaient reçues, d'abord sur les bêtes et ensuite sur les hommes ! » 

Avant d'appeler, comme plusieurs autres journaux de l'époque, à l'interdiction pure et simple de tous les combats d'animaux : 

« Assez de combats d'animaux, assez de joies brutales. [...]

Qu'on réforme la loi Grammont, et qu’on l'applique : qu'on interdise radicalement tout jeu barbare, tout plaisir malsain, et vous verrez renaître la moralité publique et la criminalité diminuer. Mais quand donc en aura-t-on le courage ? »