5 juin 1883 : premier voyage de l’Orient-Express, train de luxe légendaire
1883 : L’Orient-Express effectue son voyage inaugural à travers l’Europe en direction de Constantinople, dans un faste inouï et sous le regard de nombreux journalistes dépêchés pour l'occasion.
Mis en circulation à la fin du XIXe siècle, l’Orient-Express est le nom du train qui offrait à ses passagers de relier Paris à Constantinople (aujourd’hui Istanbul, en Turquie) dans des conditions de confort inédites et en seulement quatre jours, un temps record pour l’époque – il fallait alors compter une quinzaine de jours pour relier Marseille à la capitale ottomane.
À l’origine de cet ambitieux projet, l’entrepreneur belge Georges Nagelmackers, fondateur de la Compagnie internationale des wagons-lits et des grands express européens. Après le succès de ses premiers trains de nuit, il décide de mettre en service un train-couchette haut de gamme, le plus luxueux d’Europe, permettant à ses passagers de s’évader en quelques jours vers l’exotisme de l’Orient.
Après un premier départ de la gare de l’Est à Paris, le 5 juin 1883, le voyage inaugural de l’Orient-Express est officiellement annoncé à la date du 4 octobre 1883. À cette occasion, des passagers prestigieux parmi lesquels des ministres, des hommes d’affaires ainsi que la presse internationale, sont invités à embarquer pour cette expédition qui s’annonce d’ors et déjà fascinante.
Un journaliste du Figaro convié au voyage ne boude évidemment pas son enthousiasme dans un article intitulé « L’Orient à toute vapeur » :
« Jusqu’à présent, quand on avait une douzaine de jours de liberté et le goût des excursions, on partait pour la forêt de Fontainebleau, ou quelque port, pas trop éloigné, de la Manche. Aujourd’hui, on va à Constantinople, comme je viens de le faire avec une quarantaine de très aimables compagnons de voyage.
Partis de la gare de l’Est le 4 octobre à sept heures et demie du soir, nous sommes revenus le 16, à six heures, après être restés un jour en Roumanie, et quatre jours et demi à Constantinople. »
Tout en décrivant l’organisation du train, le rédacteur ne manque pas de faire part au lecteur du faste qui règne à bord et de la cuisine raffinée servie aux prestigieux passagers :
« [Composaient le train :] 1° deux wagons-lits pouvant donner asile à quarante voyageurs, et munis de couchettes excellentes ainsi que de quatre cabinets de toilette très confortables ;
2° un wagon-restaurant tendu en tapisserie des Gobelins, maroquin, cuir de Cordoue et velours de Gênes, et composé d’une vaste salle à manger, d’un fumoir-bibliothèque, d’un boudoir pour les dames, d’un office et d’une cuisine où opère un chef de premier ordre.
Cet homme de génie, – mon estomac reconnaissant ne saurait trouver une épithète plus faible – nous a confectionné des mets d’une saveur exquise, variant ses menus suivant les pays que nous traversions, et nous servant après les plats que l’on mange au Café Anglais, les sterlets du Danube, le caviar frais de Roumanie, le pilaf des Turcs, tandis qu’un sommelier, obéissant à son inspiration, nous versait les crus les plus fameux de la Moselle, du Rhin, de la Hongrie et de la Roumanie. »
L’autre grand journal conservateur La Croix rapporte de nouveaux détails de l’expédition via une lettre débordant d’enthousiasme d’un confrère du Gaulois, également du voyage :
« En vérité, c’est la féerie ! pas une minute de lassitude, d’ennui, de fatigue. [...]
Le wagon-restaurant, long d’un quinzaine de mètres, est disposé comme suit : à l’avant, un petit salon, coquettement décoré et réservé aux dames ; ensuite, une pièce un peu plus grande, servant de fumoir et de salle de lecture ; dans un coin, un corps de bibliothèque contient 30 ou 35 volumes, “tout ce qu’il faut pour écrire”, des cigares et cigarettes, des cartes, des dominos, etc.
Puis la salle à manger ; celle-ci contient huit ou dix tables autour desquelles une trentaine de personnes peuvent prendre place. […]
Les wagons-lits ne diffèrent pas des wagons déjà en service ; ils sont seulement plus longs et mieux aménagés ; ils comprennent trois compartiments à quatre places, et quatre à deux ; soit vingt places en tout. À chaque bout du wagon, cabinet de toilette. Tout ce matériel est construit en bois de teck qui tient le milieu entre le palissandre et l’acajou clair.
Le jour est venu ; chacun se lève stupéfait d’avoir dormi aussi bien que chez soi et de ne ressentir aucune fatigue. Dans la journée, le temps passe vite ; on cause, on lit, on écrit, on joue, puis par instants, on va prendre l’air sur l’une des passerelles. »
Les passagers de ce palace à vapeur, preuve sur rails des avancées techniques du XIXe siècle, sont conquis par ce voyage hors du commun. L’Orient-Express gagne vite en renommée. Pendant les années qui suivent, ce nouvel axe de communication majeur entre l’Europe et l’Orient connaît un immense succès parmi les classes aisées européennes.
Trente ans plus tard, lors de la Première Guerre mondiale, l’Orient-Express sera réquisitionné par l’armée française. C’est d’ailleurs dans l’un de ses wagons que sera signé, le 11 novembre 1918 à Rethondes, l’armistice entre la France et l’Allemagne.
Après la Seconde Guerre mondiale, et avec la concurrence de l’aviation, l’Orient-Express, qui a peu à peu perdu son lustre d’antan, voit son trafic considérablement diminuer. En 1977, il effectuera son dernier voyage.
Ce train emblématique, objet de nombreux fantasmes, a laissé une empreinte singulière dans la culture populaire ; le cinéma et la littérature l’utiliseront souvent comme lieu d’intrigues, notamment dans le célèbre roman d’Agatha Christie, Le Crime de l’Orient-Express.
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Pour en savoir plus :
Consulter l’exposition virtuelle BnF « Sciences pour tous » sur « les transports »