Le Pacte Briand-Kellogg en 1928
Dix ans après la fin de la Première guerre mondiale, la France et les Etats-Unis décident de mettre la guerre hors-la-loi. Un pacte de paix signé dans un climat de détente pour les relations internationales mais dont la portée reste limitée.
Un moment historique
En 1928, Aristide Briand, alors ministre des Affaires étrangères, propose aux États-Unis à l’occasion du dixième anniversaire de leur entrée en guerre de conclure un rapprochement.
En effet, depuis que les États-Unis ont refusé de siéger à la SDN, ils mènent une politique isolationniste vis-à-vis de l’Europe. En même temps, se développe dans les années 20 un courant pacifiste et on peut observer une certaine détente dans les relations internationales avec le pacte de Locarno en 1925 visant à améliorer les relations avec l’Allemagne et à régler la question épineuse des frontières allemandes.
Frank Kellogg, secrétaire d’État américain, accueille alors favorablement la main tendue par la France et accepte de signer un pacte dont l’objectif essentiel est d’affirmer l’amitié franco-américaine.
La presse dans son ensemble et notamment la presse régionale, par exemple L’Ouest-Éclair du 28 août 1928 fait figurer l’événement à la une en insistant sur le caractère historique du geste et en rendant hommage à Aristide Briand.
L’éditorialiste du journal, L. de Saint-Martin, se moque aussi des « esprits sceptiques » et des « petits esprits », des « contempteurs stériles » qui raillent les efforts de paix et qui regardent « derrière eux pour l’éternité ».
Quelques fausses notes
Le pacte signé le 27 août 1928 au quai d’Orsay par 15 nations (la France et les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, le Japon, la Belgique, la Pologne, la Tchécoslovaquie, l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud, l’Irlande et l'Inde) est l’occasion d’une cérémonie solennelle. À cette occasion, L’Écho de Paris (28 août 1928) regrette que l’événement qualifié d’historique se déroule dans des locaux exigus et déplore la qualité du spectacle, mal organisé : trop de lumière, trop de journalistes et photographes :
« Avons-nous perdu le sens des belles cérémonies, ou hier, dans le cadre du Quai d’Orsay, n’en avions-nous pas les moyens ? Contentons-nous de la seconde explication. Les salons Louis-Philippe de notre ministère des affaires étrangères sont trop exigus pour des pompes aussi nombreuses. Avec leurs pilastres, leurs ors, leur brocarts, leur décoration surchargée, ils paraissent tant soit peu prétentieux et désuets quand ils sont aux prises avec une cohue […]. Un millier de personnes se pressaient dans les deux salles trop étroites. Malheureusement, les portes à deux battants qui les font communiquer étaient occupées par la lourde artillerie des cinéastes et photographes. »
Quant à la portée du pacte, il se montre prudent :
« Pour l’instant, nous sommes sous le règne de la réticence et de l’ajournement. On penserait, ou peu s’en faut, que les plénipotentiaires redoutent de se communiquer leur pensées. M. Kellog donne l’exemple. Il s’applique à éviter toute conversation sérieuse. Il éprouve, paraît-il, des inquiétudes sur la substance de l’accord franco-britannique relatif au désarmement ? Profite-t-il de son séjour à Paris pour solliciter des éclaircissements qui lui seraient facilement donnés ? Non ! »
Les journaux comme Le Gaulois insistent plus particulièrement sur la présence de Stresemann ministre des affaires étrangères de l’Allemagne qui à cette occasion s’est entretenu avec R. Poincaré, président du Conseil. Le Gaulois déplore d’ailleurs qu’aucune information sur le bilan de l’entrevue n’ait filtré :
« M. Stresemann fondait de grands espoirs sur son entrevue avec M. Poincaré. Reçu hier matin, au ministère des finances, par le président du Conseil, à 11 heures, le ministre des affaires étrangères du Reich ne l’a quitté qu’à midi 15. Il n’y eu pas de communiqué officiel, d’un commun accord les deux interlocuteurs ayant décidé de ne faire aucune déclaration à la presse. »
Entré en vigueur en 1929, le pacte vaudra à ses deux promoteurs, le Français et l’Américain, le prix Nobel de la Paix. Une paix mise à mal par la montée des régimes totalitaires dans les années 30… A l’occasion du neuvième anniversaire du pacte, en 1937, L’Écho d’Alger du 30 août 1937 reprend les propos des représentants français et américain, propos qui révèlent combien le contexte a changé et comment la menace de guerre se précise.
Aristide Briand (1862-1932)
Aristide Briand, avocat et journaliste, fonde avec Jean Jaurès le parti socialiste français en 1901. Il est élu à la Chambre des députés en 1902 et porte avec Jaurès la loi de séparation entre l’Église et l’État de 1905. Il mène une carrière politique exceptionnelle : il sera 23 fois ministre et 11 fois Président du Conseil. Dans les années 20, il intervient à plusieurs reprises à la tribune de la SDN pour défendre la paix et signe le pacte de Locarno en 1925 puis le pacte Briand-Kellogg en 1928. De manière précoce, il défend le projet d’ « États-Unis d’Europe ».
Il meurt en 1932, soit un an avant l’arrivée au pouvoir d’Hitler…