On lui rend hommage, à elle et à ses camarades, tel dans la péroraison du reportage du 25 juin de Stephan Priacel :
« Ah ! il ne fait pas bon être ‘de gauche’ dans la Roumanie de 1936. On a expulsé de la salle des séances, manu militari, deux correspondants d'un journal démocrate de Bucarest, coupable d'avoir publié sur le procès des articles ‘tendancieux’.
Le fait est que la simple relation des débats doit paraître invraisemblable ; débats où des accusées tombent en syncope, où pour un mot, des inculpés sont chargés de chaînes et n'ont pour toute protestation que la grève de la faim.
Débats où les avocats risquent gros à chaque mot qu'ils disent, mais où se révèlent chez les accusés parqués à vingt dans un enclos gardé par vingt soldats, baïonnette au canon, une abnégation et un courage dont la sérénité force le respect et, quoiqu'on leur ait reproché, l'admiration. »
On est ici bien loin – et pour cause ! – des qualificatifs employés dans le Bulletin périodique de la presse roumaine, lequel, le 9 juin 1936, disserte sur « l’espionne soviétique », ou « l’agitatrice Anna Pauker ». Ce dernier qualificatif, on le relève également dans le journal maurassien L’Action française, édition du 22 juin 1936, dans laquelle est vilipendé l’appel du Comité balkanique de France en faveur de Pauker, « c'est-à-dire qu'une bande de politiciens maçons et d'extrême gauche tâchent de s'immiscer dans les affaires de la politique intérieure roumaine ». L’antisémitisme gangrenant la Roumanie dont avait pu faire état le reporter Priacel ou ses confrères demeurés à Paris s’exprime sans fard dans cette presse d’extrême droite française, dont sans surprise Je suis partout, qui, le 15 avril 1938, consignera :
« La fameuse Anna Pauker, terroriste mise sous les verrous, est Juive, ainsi que toute sa bande. »
Le 7 juillet 1936, Anna Pauker est condamnée à dix ans de prison « pour activité communiste ». « Le scandaleux verdict contre Anna Pauker doit être annulé », titre le 9, L’Humanité. Elle ne sera libérée que bien plus tard, en 1940, lors d’une tractation entre des dirigeants roumains et soviétiques.
Commença alors une toute autre histoire, qui la mena du poste de ministre des Affaires étrangères roumaines en 1947 à son limogeage en 1952, où elle subit une campagne antisémite et xénophobe. Auparavant, la presse communiste française ne manquait pas de la saluer, Claude Morgan rappelant par exemple en septembre 1945 dans Les Lettres françaises la campagne pour sa libération, ce moment de ferveur militante où l’on s’écriait : « Sauvez Anna Pauker ». Une histoire révolue.
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Anne Mathieu est historienne, maîtresse de conférences habilitée à diriger des recherches à l’université de Lorraine (site de Nancy) et membre de l'Equipe Telem de l'Université Bordeaux Montaigne.