Les zouaves pontificaux volontaires de l’Ouest, le régiment royaliste de 1870
Pendant la guerre franco-prussienne, à Loigny, un corps d’armée français monarchiste et ultra-catholique se fait remarquer sur le champ de bataille. À sa tête, Athanase de Charette, petit-fils du célèbre général vendéen.
Le 2 décembre 1870 à Loigny, non loin d’Orléans, se déroule l’un des plus célèbres épisodes de la guerre franco-prussienne.
Alors qu’elles tentent de rejoindre Paris, les troupes françaises de l’Armée de la Loire sont bloquées par l’armée allemande. Afin de libérer le village de Loigny, le général Sonis, à la tête de 800 hommes dont 300 « volontaires de l’Ouest », placés sous la bannière du Sacré Cœur, tente une charge désespérée : seule la moitié des combattants revient. Le général Sonis est blessé. La défaite finale met à mal l’espoir de libérer Paris.
Mais le geste héroïque des soldats français vient panser une fierté blessée depuis de longs mois.
Les caractéristiques de la légion de volontaires n’échappent à personne. Comme d’autres titres, le journal Le Temps reprend une description proposée dans le Mercure de Souabe :
« À Rome elle était composée de 3 000 hommes de toutes les nations : Français, Italiens, Hollandais, Belges, Irlandais et Américains. Cinquante d’entre eux ont succombé en défendant la cause du Saint-Père.
Les autres sont retournés dans leurs foyers, à l’exception de 200 Français, derniers représentants de cette légion. Ils ont débarqué à Toulon et se sont formés sous la dénomination de “Légion des volontaires de l’Ouest.”
C’est peut-être l’armée la plus aristocratique qui existe dans le monde. Marquis, vicomtes s’y trouvent par douzaines, et les autres nobles en proportion. La légion est composée d’officiers ayant fait des campagnes, et se sont soumis à l’élection.
Il est curieux de voir cette légion composée de jeunes gens, de marquis ayant soixante ans, et tous généralement très pieux et fort royalistes. »
Ces hommes préfèrent s’appeler « zouaves pontificaux ». Le noyau dur provient des volontaires internationaux partis défendre Rome puis revenus après la chute des États Pontificaux en septembre 1870. Le corps a été complété par l’arrivée d’autres volontaires.
Pieux et légistimistes, ces combattants sont commandés par Athanase de Charette, le petit-fils du général vendéen.
Leur sacrifice est vite célébré par la presse catholique et conservatrice qui voit en eux la perpétuation du héros chrétien à l’ère des nations. Comme le dit le légitimiste et ultramontain Journal des villes et des campagnes :
« Les braves jeunes gens qui le composaient n’avaient songé tous qu’au danger de la patrie et ils étaient venus, eux, royalistes, obéissant à l’appel d’un dictateur Républicain [Gambetta, N.D.L.R.].
Ils marchaient sous une bannière blanche qui leur avait été brodée par des religieuses de la Visitation. Elle portait cette inscription :
Sacré Cœur de Jésus, sauvez la France !
Et sur le revers :
Saint Martin, patron de la France, priez pour nous ! »
La presse généraliste et républicaine hésite un temps. Au début, la plupart des titres publient des extraits de journaux allemands qui disent leur admiration devant l’audace du geste. Mais le consensus dure peu.
Les discours de la Commune en mars et mai 1871, reproduits par Le Rappel, font de l’existence de ces volontaires une menaçante résurgence des guerres de Vendée contre-révolutionnaires.
En novembre, une lettre de Marseille envoyée au journal républicain modéré Le Siècle explique par ailleurs :
« Monsieur le rédacteur,
Il y a un an bientôt, une bataille sanglante […] se livrait le 2 décembre aux alentours d’Orléans. […]
MM. Les volontaires de l’Ouest, zouaves pontificaux, s’y sont bien conduits ; je le reconnais ainsi que mes camarades ; mais ce que nous ne saurions tolérer plus longtemps, c’est l’exclusivisme du parti qui rapporte à ces messieurs tout l’honneur de l’engagement.
On a chanté leur bravoure sur tous les tons, en prose et en vers ; on a fait des tableaux reproduits en photographie, représentant Charrette tenant son cheval et chargeant les Prussiens avec son épée.
Tout cela est fort beau ; mais on a toujours oublié de dire qu’aux côtés de MM. les volontaires de l’Ouest, se trouvaient : à leur gauche, les francs-tireurs de Tours ; à leur droite, quarante jeunes gens venus de Blidah (Algérie), qui eux ont laissé des morts et des blessés sur le champ de bataille. »
L’expression « charge de Loigny » est néanmoins consacrée comme un haut fait militaire en à peine un an. Plus tard, en 1876, Le Français affirme : « la postérité parlera de la charge de Loigny comme de celle des cuirassiers à Reichshoffen et de la garde sur les hauteurs d’Illy ».
Mais cette célébration semble cette fois concerner essentiellement la presse située à la droite de l’échiquier politique : monarchiste, catholique, conservatrice, patriote.
Le souvenir de la « charge de Loigny » est ainsi travaillé par le choc remarquable des références qui caractérise l’« année terrible », qu’elles soient spatiales (vendéenne, française, européenne) ou politiques (républicaine, catholique, nationaliste). Il illustre ce faisant les conflits et tensions qui caractérisent durablement de nombreux pans de la mémoire française.