Les reportages « en Espagne libérée » ne peuvent dissimuler que l’offensive patine. Les mises en scènes stimulantes, comme celle publiée dans Combat de ces prisonniers « franquistes » traité avec égards par les guérilleros, n’ont de valeur que symbolique.
Les exagérations de L’Humanité, assurant des succès fantastiques, ne trompent personne. La population espagnole ne s’est pas soulevée contre « Franco et les phalangistes ».
Au contraire, comme dans la presse catholique française, on craint le retour des affres d’une nouvelle guerre civile, tandis que les cicatrices de la guerre d’Espagne sont encore largement ouvertes.
Il est difficile d’obtenir des informations, car, pris de court, le gouvernement provisoire de la République française a instauré une zone interdite de 20 kilomètres autour de la frontière pour empêcher les infiltrations. Cette incursion combattante décidée dans le secret par les organes communistes espagnols est absolument condamnée. La France est en guerre contre l’Allemagne pour sa propre libération. En Alsace, la défense allemande est acharnée ; Gérardmer, Strasbourg et Colmar attendent encore le retour des Couleurs nationales. Et sur le littoral, plusieurs poches allemandes subsistent autour des ports français.
Pour le mouvement communiste français, la situation en Espagne est un terrible dilemme : il n’est pas question de soutenir officiellement les opérations militaires, tandis que les FFI viennent d’être intégrées dans l’armée française.
Alors, l’incursion dans le Val d’Aran, comme dans les autres secteurs, est rapidement réduite. Onze jours plus tard, les guérilleros se replient en laissant derrière eux 129 morts, un demi-millier de blessés et, pire, 241 prisonniers. C’est un désastre. Un combattant répond aux questions du journaliste de Ce soir dans un article dont le titre résume le terrible constat : « L’Espagne se libèrera elle-même » :
« Nous sommes entrés dans le Val d'Aran au début d'octobre. Sans doute ne s'agissait-il pas du grand départ pour la reconquête de l'Espagne, mais seulement d'un important sondage.
En quelques heures nous occupons Lès, sans rencontrer de résistance. Tous les membres de la Phalange et de la Garde civile furent immédiatement faits prisonniers. Une vague d'enthousiasme souleva la population. Elle nous prenait pour les premiers éléments de l'armée libératrice. Ils savaient pourtant ce qui les attendait si les Phalangistes venaient à réoccuper le village.
Tous, le curé en tête, nous suppliaient de tenir et d'aller plus loin, toujours, pour les libérer à jamais de la tyrannie détestée. Mais Franco concentra alors contre nos forces plus de sept divisions et nos chefs responsables décidèrent, selon un plan prévu, de nous fractionner en petites unités qui s'égaillèrent dans toute la province.
Nous avions donc tenu les villages du Val une dizaine de jours seulement. Mais nous savions ce que nous voulions savoir : que tout un peuple nous attendait. »