Long Format

29 mai 1825 : le sacre de Charles X

le par - modifié le 28/05/2023

La cérémonie du sacre de Charles X a lieu à Reims le 29 mai 1825 : elle remet en question le compromis initié par louis XVIII visant à concilier principes de 1789 et légitimité dynastique. Il incarne pour les libéraux un retour à l’ancien régime. « L’état de grâce » de Charles X a été de courte durée : sa politique lui aliène les libéraux et une grande partie de l’opinion publique.

L’organisation du sacre de Charles X

La mort de Louis XVIII le 16 septembre 1824 et l’avènement de Charles X le 24 septembre marquent la fin du compromis fondé par la Charte constitutionnelle de 1814 entre principes révolutionnaires de 1789 et pouvoir monarchique fort. Charles X (roi de 1824 à 1830), très dévot voire bigot, veut renouer avec la dimension sacrale de la monarchie française, qu’il considère de droit divin. Louis XVIII, pour des raisons de santé et un souci de pacification de la société, avait préféré y renoncer.

La loi du 15 janvier 1825 accorde des crédits de 6 millions pour liquider les frais des funérailles de Louis XVIII et financer les préparatifs du sacre : restauration des bâtiments, aménagement et décoration de la cathédrale de Reims et du palais archiépiscopal, construction d’arcs de triomphe . Charles X veut une cérémonie fastueuse : il a commandé entre autres un carrosse majestueux couvert de feuilles d’or et un opéra à Rossini (Le Voyage à Reims).

Entrée solennelle de S. M. Charles X, roi de France et de Navarre dans Paris, après la cérémonie du Sacre ; Charles Henri Loeillot-Hartwig, 1825 - source : Gallica-BnF
Couronnement de Sa Majesté Charles X. Sacré à Rheims, le 29 Mai 1825 ; Louis-Simon Lempereur, 1825 - source : Gallica-BnF

Charles X quitte Paris le 24 mai pour Compiègne, première étape où sont organisées des festivités et des distractions cynégétiques. Le cortège royal entre dans la ville de Reims le 27 mai 1825, vers 11h45, annoncé par un salve de 101 coups de canons. Le sacre en lui-même commence le 29 mai au matin : il est le mieux connu et le mieux documenté de l’histoire des sacres. La presse décrit avec précision la magnificence de la cérémonie et de ses décorations. Des regalia et les costumes royaux ont été conservés et parfois exposés comme en 1909.

1re exposition de costumes anciens : manteau du sacre de Charles X, Agence Roll, 1909 - source : Gallica-BnF

Une cérémonie qui reflète les ambitions politiques réactionnaires de Charles X

La cérémonie suit l’ordo traditionnel du sacre des rois de France, tel qu’il a été défini au Moyen Âge. Après une veillée de prière, le roi reçoit le saint chrême, contenu dans la sainte Ampoule, par l’archevêque de Reims, réactivant le mythe de la continuité dynastique des rois de France depuis Clovis. Il reçoit ensuite les regalia : le sceptre, la main de justice, l’épée dite de Charlemagne et enfin la couronne. La cérémonie s’achève sur l’acclamation « Vivat rex in aeternum » et sur un Te Deum. Après avoir hésité, il décide de 31 mai d’achever le sacre par la cérémonie thaumaturgique du toucher des écrouelles dans la chapelle de l’hôpital Saint-Marcoul. Selon la tradition apparue au Moyen Âge, l’onction du sacre confère un pouvoir miraculeux aux rois de France, qui peuvent ainsi soigner par simple toucher les écrouelles, c’est-à-dire des ganglions anormaux au niveau du cou. Ce rite renvoie explicitement à la dimension sacrale et religieuse de la monarchie française.

Charles X s’appuie sur le clergé et les ultras qui dominent la vie politique des élections de 1820 à celle de 1828. La décision de Charles X de se faire sacrer s’inscrit ainsi dans un contexte d’apogée de l’alliance entre le Trône et l’Autel, pierre angulaire d’une politique réactionnaire qui vise à extirper les héritages révolutionnaires (liberté de culte, liberté de presse, égalité civile) et à restaurer les principes de l’Ancien Régime.

Le ministère Villèle (1821-1828) est perçu comme un instrument de la réaction nobiliaire et cléricale et de lutte contre l’opposition libérale (épuration des universités et rétablissement de la censure). Il fait voter par les Chambres la loi du sacrilège en janvier 1825 qui punit le vol d’objets sacrés dans les églises et prévoit la peine pour les parricides en cas de profanation ; en avril 1825 la loi dite « du milliard de émigrés » assure l’indemnisation des nobles dont les biens ont été confisqués et vendus durant la Révolution (par des titres de rente à 3%).

Sacre de S. M. Charles X dans la cathédrale de Reims le 29 Mai 1825 - source : Gallica-BnF

L’impact limité du sacre dans l’opinion publique : un « état de grâce » de courte durée

En dépit de l’accueil enthousiaste des Rémois, le sacre suscite de fortes réticences dans l’opinion publique. Le gouvernement et les ultras développent une intense propagande royaliste. Le jeune Victor Hugo, ultra convaincu,  consacre une ode ampoulée à Charles X, le peintre Gérard réalise un tableau, Le Sacre de Charles X, qui est exposé au Salon officiel de 1829. Certaines odes au sacre sont parfois reproduites dans la presse.

Le sacre de Charles X revêt une dimension anachronique pour les contemporains qui montre l’incapacité de Charles X à comprendre les mutations socio-politiques de la France depuis qu’il l’a quittée en 1789. Les caricatures se multiplient contre le roi, représenté en jésuite ou soumis aux jésuites. Le chansonnier Béranger ridiculise le couronnement de Charles X dans son Sacre de Charles-le-Simple et est condamné pour offense à la personne du roi en 1828. Des journaux libéraux dénoncent également le coût excessif du sacre et entreprennent une campagne contre le clergé et les journaux royalistes comme La Quotidienne.

Des ultras comme Chateaubriand regrettent sa dimension ostentatoire et la présence parmi les acteurs du sacre d’anciens maréchaux d’Empire. D’ailleurs dans ses Mémoires d’outre-tombe, il parle de cette cérémonie comme d'une « représentation d’un sacre et non un sacre ». 

Cruche ; Charles Philipon - source : Gallica-BnF
Caricature contre Charles X. Charles X surnommé le Robin des bois - source : Gallica-BnF
Caricature contre Charles X. Un Jésuite - source : Gallica-BnF

Bibliographie

 

José Cabanis, Charles X : Roi ultra, Gallimard, Paris, 1972.


Francis Démier, La France de la Restauration (1814-1830) - L’impossible retour du passé, Folio, Paris, 2012.


Bertrand Goujon, Monarchies postrévolutionnaires (1814-1848), Seuil, Paris, 2014.


Landric Raillat, Charles X ou le sacre de la dernière chance, Orban, Paris, 1991.