Presse ancienne et généalogie
La consultation de la presse ancienne est incontournable pour quiconque s'intéresse à la généalogie, comme nous l'explique Laurence Abensur-Hazan, auteure d'un ouvrage sur le sujet.
Généalogiste professionnelle, je consacre l'essentiel de mon temps à reconstituer l'histoire des familles de mes clients. Cela m'amène souvent à rentrer dans leur intimité, à brosser le portrait des membres qui la composent pour mieux comprendre ce qu'a été leur vie. Pour cela, j'exploite de nombreuses sources, à commencer par les archives traditionnelles en matière de généalogie : actes d'état civil, actes notariés, documents judiciaires, fiscaux…
Aussi indispensables qu'ils soient, ces documents, classiques, nous donnent au fond rarement ce que nous, généalogistes, recherchons toujours : les détails de la vie quotidienne de nos ancêtres. Ce sont souvent eux qui nous permettent de percevoir leur personnalité, de suivre leurs périples, parfois de mieux comprendre leurs choix, bref de savoir qui ils étaient vraiment…
La presse ancienne se révèle ici infiniment précieuse. On soupçonne souvent encore peu sa richesse, la masse d'informations détaillées que l'on y trouve et l'étendue des domaines qu'elle concerne. Grâce à Internet et aux récents efforts de mise en ligne, la presse ancienne est pourtant là, à portée de souris… Quelques clics suffisent pour savourer des pages et des pages de nouvelles, allant des actualités politiques - nationales ou internationales - aux faits divers locaux, des plus anodins aux plus sordides.
Des informations précieuses
RetroNews permet de faire très simplement une recherche par mot clé, très pratique si l'on s'intéresse à un sujet particulier : histoire d'une famille ou d'un lieu, événement... En quelques secondes, on accède à toutes les citations du terme recherché dans tous les titres de journaux référencés dont les plus anciens remontent au milieu du XVIIe siècle.
Prenons l'exemple d'une recherche sur le nom de famille d'origine italienne « Pontremoli ». L'un des résultats suscite particulièrement la curiosité : Le Petit Parisien du 28 octobre 1880 relate un vol dont a été victime à Paris un M. Élysée Pontremoli du fait d'un commissionnaire pour le moins indélicat.
« M. Élysée Pontremoli, âgé de vingt et un ans, demeurant hôtel de Bretagne, 23 bis, rue Richelieu, ayant besoin d'une somme de 300 francs, écrivait hier à son oncle, M. Pontremoli, fabricant d'équipements mititaires, 140, faubourg Saint-Martin, pour les lui demander. Il remit sa lettre à un garçon de l'hôtel, nommé Auxus, qui se mit en quête d'un commissionnaire. »
En quelques lignes, il donne une multitude d'informations : l'identité de la victime, celle de son oncle et sa profession, leurs adresses, les circonstances du vol. Il précise que M. Pontremoli a déposé plainte au commissariat de son quartier.
Quel profit peut alors tirer un généalogiste de la lecture d'un tel fait divers ? Outre qu'il apporte une anecdote à l'histoire familiale, il peut révéler des informations inconnues jusque-là. Il ouvre en plus une piste de recherche dans les fonds des archives de la Préfecture de police qui conservent les registres de mains courantes des commissariats. Quelques lignes qui se révèlent donc très précieuses…
Nouvelles pistes de recherche
Lorsque l'on veut retracer l'histoire d'un commerce, et par là même une part de la vie de celui ou celle qui le tenait, la presse est aussi une alliée de choix. Pour le constater, il suffit de saisir par exemple le mot « faillite » dans la barre de recherche sur RetroNews. Des milliers de résultats apparaissent, dont beaucoup issus de journaux spécialisés dans la publication d'annonces commerciales comme le quotidien Le Constitutionnel. Dans son n°274 du 1er octobre 1829, parmi les publications légales du jour, on relève ce jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 29 septembre 1829 :
« Le sieur CHOREL, fils aîné, marchand de soie, cloître Saint-Jacques - l'Hôpital n°10 en état de faillite ouverte […], ordonne que les scellés seront apposés au domicile du failli et partout ailleurs où besoin sera, […], ordonne que la personne du failli sera mise en dépôt dans la maison d'arrêt pour dettes […]. »
Comme dans l'exemple précédent, de nouvelles pistes de recherche, cette fois dans les fonds du tribunal de commerce - mais aussi dans les archives des prisons puisque notre failli fut emprisonné comme dettier -, s'ouvrent au chercheur curieux.
La presse ancienne est donc, pour nous généalogistes, à la fois une merveilleuse source complémentaire d'informations, d'anecdotes qui enrichissent nos histoires familiales et d'ouverture vers de nouveaux horizons de recherche. Captivés par les informations qui défilent à l'écran, les généalogistes ont toujours grand plaisir à se perdre au fil des pages, à se promener entre les lignes car les journaux anciens offrent une vision irremplaçable et très vivante des petits ou grands événements d'hier.
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Laurence Abensur-Hazan est généalogiste, auteure de Utiliser la presse ancienne en généalogie (2016, éditions Archives & Culture).