Écho de presse

Décembre 1870 : « Le froid est notre ennemi »

le 19/12/2024 par Marina Bellot
le 14/09/2017 par Marina Bellot - modifié le 19/12/2024
Siège de 1870 : la Bibliothèque, Faubourg de Pierre - source : Gallica-BnF

Alors que Paris est assiégé le 18 septembre 1870, la vie quotidienne des Parisiens se met en place, entre rationnement drastique et rigueurs d'un hiver exceptionnel.

Nul ne voulait y croire et pourtant, le 18 septembre 1870, Paris est progressivement encerclé par le sud, l'ouest et le nord. Les derniers moyens de communication avec l'extérieur sont interrompus au cours de l'après-midi. 

La vie quotidienne des Parisiens s'organise alors, tant bien que mal, relatée par la presse qui égrène les jours qui passent sous le joug de l'isolement.

"Préparez-vous à souffrir avec constance", enjoint le général Trochu, président du Gouvernement de la Défense nationale, aux gardes mobiles dès le début du Siège. "À cette condition vous vaincrez". Les citoyens sont eux aussi appelés à faire front.

Le rationnement est organisé avec retard, les files d'attente s’allongent devant les commerces de bouche littéralement pris d’assaut. Les prix de la viande, des conserves, du pain et des denrées alimentaires flambent.

Ainsi le 10 octobre, on peut lire dans Le Temps :

"À partir de Lundi 10 octobre 1870, la répartition de la viande entre les arrondissements sera réglée comme suit : l’État, représenté par le ministère du commerce, fera abattre dans les trois abattoirs de Paris, la quantité de viande qui peut être mise chaque jour à la disposition de la population de Paris, soit la viande de 450 à 500 bœufs et de 3 à 4 000 moutons. Cette viande sera divisée dans les abattoirs en 20 lots : un pour chaque arrondissement."

Face à la pénurie, la "panique du pain" s'empare de certains habitants, comme le déplore Le Gaulois dans son "Journal du Siège". Et le journal d'appeler les Parisiens à l'abnégation :

"Nous pouvons, donc, sans préoccupation aucune pour l'avenir, vivre au jour le jour du pain que nous fournit le boulanger. Nous le pouvons et nous le devons. Oui c'est pour chacun de nous un devoir strict de n'acheter du pain que la quantité qui est nécessaire à la vie quotidienne."

La capitale subit aussi la froideur exceptionnelle de l'hiver (jusqu'à à −12 °C en décembre). Le Petit Journal du 30 décembre :

"La rigueur extraordinaire et persistante de la saison d'hiver nous impose depuis huit jours de grandes souffrances. Le froid est à cette heure notre plus cruel ennemi."

Instructions et recommandations sont là aussi prodiguées aux Parisiens.

"Tout d’abord les vêtements doivent être l’objet de soins tout particuliers ; ils doivent être tels qu’ils puissent soustraire les hommes aux transitions trop brusques de température. De tous les tissus, les tissus de laine sont les plus efficaces, Les hommes seront donc tous munis de ceintures de laine. Des chemises et des caleçons de même tissu seraient également très utiles. En l’absence de chemises de laine, une seconde chemise, même de linge, serait un moyen efficace pour se garantir du froid."

Pour supporter ce quotidien de privations, les femmes sont en première ligne. "Je voudrais qu'on les mît à l'ordre du jour, car elles ont bien mérité de la patrie", écrit l'une des plumes du Gaulois le 6 décembre.

"Elle s'est faite énergique et grave, résignée, et sa toilette qui éblouissait le monde est sérieuse aujourd'hui comme son visage.

On dirait qu'elle porte le deuil de la Cité. Bal, concert, spectacle, tout cela n'est qu'un rêve lointain ; elle n'y songe même plus. Regardez-la, elle a mis une robe sombre et elle s'en va faire la queue aux boucheries, comme autrefois, souriante et parée, elle faisait la queue à la porte des théâtres.

Le cheval lui fait faire trois heures d'antichambre, et elle attendra toute une matinée un morceau de morue.

Elle rentre au logis et là, défaillante, grelottante, elle se trouve en face d'un miracle à opérer : ce n'est pas la multiplication des pains, mais la multiplication du foie de bœuf et du quartier de lard. Elle allume son fourneau et le miracle se fait. [...]

Cet enfant est sa préoccupation incessante. Il dort mal et se plaint. Voyez comme il est pâle ! Il semble à sa mère qu'elle le met une seconde fois au monde, car elle ne fait que le défendre contre les privations qui menacent sa chère santé, sa pauvre petite vie."

Le taux de mortalité double en quelques mois.

(À suivre.)

Retrouvez la première partie de notre cycle sur le siège de Paris : 1870 : "Il n'y a pas de siège de Paris possible"

Notre sélection de livres