1925 : les candidates du Parti communiste sont élues
Alors qu’elles n’ont pas le droit de vote, des candidates du Bloc ouvrier et paysan se présentent aux municipales de 1925. Plus d’une dizaine d’entre elles sont élues.
Les 3 et 10 mai 1925, les Français votent pour les élections municipales. Rien de bien original a priori, si ce n’est que le Parti communiste présente une dizaine de femmes en position d'éligibilité sur ses listes. Alors que les femmes n’ont toujours pas le droit de vote en France.
« En ce qui concerne les femmes, on sait qu'un certain nombre d'entre elles sont présentées, notamment par le Parti communiste.
En banlieue, c'est une femme qui, dans chaque commune, est tête de liste des candidatures communistes. À Paris, une femme a été désignée pour tenir le drapeau des revendications féminines. »
La « banlieue rouge » se fait le chantre de l’égalité entre femmes et hommes. Tout comme Avignon, où la liste communiste est menée par « Mmes Antoinette Bellot, manœuvre au P.-L.-M., et Angèle Rame, coiffeuse. »
L’Humanité s’enflamme pour ces candidatures d’émancipation.
« Et nous n'avons garde, dans cette revue rapide, d'oublier de mentionner l'enthousiasme suscité par les candidatures de nos camarades femmes.
Le but que s'était proposé le Parti communiste en désignant des ouvrières comme candidates a été atteint et au-delà. Dans l'histoire politique de ce pays, dans la lutte menée depuis tant d'années pour l'émancipation politique et économique de la femme, l'année 1925, par suite de l'initiative du P.C., aura une importance considérable. En dépit de toutes les manœuvres, de toutes les circulaires gouvernementales ou préfectorales, les bulletins de vote aux noms de Lucienne Marrane, de M. Faussecave, de Suz. Girault et des autres seront escomptés.
Que nos camarades veillent bien dans les sections de vote, et nos candidates victorieuses forceront ce soir les portes de l'Hôtel de Ville ! »
En dehors du Bloc ouvrier et paysan, les femmes candidates sur des listes électorales sont loin de réjouir les autres formations politiques. Le Bloc national, bien sûr, composé de la droite et du centre, mais aussi le Bloc des gauches (radicaux et socialistes) qui dénonce des suffrages inutiles qu’ils ne décompteront pas dans les bureaux de vote.
L’Humanité tempête, sous le titre « Mise en garde ».
« Affolées par le succès enthousiaste remporté par nos camarades femmes, les autorités du Bloc des Gauches s'apprêtent à tenter une manœuvre de chantage de dernière heure.
Ces politiciens, si lâches et si pitoyables devant les forces réactionnaires, veulent tenter d'influencer nos camarades en affirmant qu'ils déclareront nuls les votes exprimés sur les camarades femmes et ne les compteront pas.
Ne vous laissez pas prendre aux affirmations de ces imposteurs. Les maires n'ont aucune qualité pour formuler de semblables directives, que vous devez mettre à la boîte aux ordures dès réception. […]
Le fait de porter un nom de femme ne constitue pas et n'a jamais constitué un cas de nullité. L'affirmer est un acte frauduleux ayant pour but de vicier le scrutin et qui comporte par suite les sanctions habituelles.
Il y a lieu d'ajouter d'ailleurs, que des déclarations de candidatures ne sont nullement obligatoires et que, ne comportant la présentation d'aucun papier d'identité, personne n'a qualité pour affirmer le sexe du titulaire d'un prénom féminin. »
De fait, le ministère de l’Intérieur demande à la Préfecture de la Seine d’intervenir auprès de tous les présidents de bureaux de vote pour tenir compte des bulletins déposés dans l'urne au nom d'une candidate.
Le 10 mai, plusieurs femmes sont élues dans des conseils municipaux de la banlieue parisienne : Augustine Variot à Malakoff, Marie Chaix à Saint-Denis, ou Marthe Tesson à Bobigny.
Et L’Humanité l’affirme : elles siègeront envers et malgré tout.
« La question se pose de savoir quelle est au regard de la loi, la situation de la camarade Tesson et de sa collègue. Elle est exactement celle de Midol qui, proclamé élu dans le quartier de la Santé en 1923, bien qu'inéligible, a pu siéger à l’Hôtel de Ville jusqu'au jour où, plusieurs mois après, le Conseil d'État a annulé son élection.
Un conseil municipal étant, aux termes de la loi, composé valablement de tous les membres qui ont été proclamés élus, les femmes qui se trouvent dans ce cas pourront siéger et prendre part aux débats sans que les délibérations qui en seront la conséquence puissent être entachées de nullité et déférées de ce fait à l'autorité supérieure. »
À Bobigny, « l’heure est émouvante » lorsqu’on proclame Marthe Tesson maire-adjointe.
« On applaudit vigoureusement cette nouvelle manifestation, faite sur le nom de notre camarade, en faveur du vote, de l'éligibilité et de l'émancipation des femmes. […]
Contrairement aux propos tendancieux de la presse bourgeoise, elles siègent régulièrement ; elles ont partout, ces jours-ci, participé à l'élection des maires, elles sont rentrées dans les commissions municipales.
Le gouvernement et le Parlement sont en présence d’un fait accompli : par la volonté du suffrage universel, les femmes sont non seulement conseillères, mais officiers d’état civil. Que vont faire les pouvoirs bourgeois ?
La fraction communiste au Parlement va poser la question et mettre le gouvernement en face de ses responsabilités ; il ne pourra pas se défiler, il lui faudra obéir à la volonté du suffrage universel. »
Le gouvernement ne va évidemment pas laisser perdurer cette situation et la Préfecture de la Seine invalide l’élection de Marthe Tesson le 20 mai, puis celle de trois autres femmes le 28 mai.
« Le conseil de préfecture de la Seine a prononcé hier l'invalidation de trois femmes candidates qui avaient été élues aux dernières élections municipales ; ces candidates ne remplissant pas les conditions d'éligibilité prévues par la loi. Ces invalidations sont celles de Mmes Variot, de Malakoff ; Chaix, de Saint-Denis, et Chapon, de Villejuif qui, toutes trois, avaient été élues au second tour. »
Toutefois, tant que le Conseil d’État ne s’est pas prononcé, les élues restent à leur poste. Ce qui permet à Marie Chaix d’accueillir un meeting contre la guerre au Maroc en tant que maire adjointe de Saint-Denis le 28 mai.
Marie Chaix et Marthe Tesson, qui ont formulé un recours devant le Conseil d’État, resteront en poste jusqu’au 29 janvier 1926 quand leur requête est rejetée et l’inéligibilité des femmes confirmée. Augustine Viard assistera au conseil municipal de Malakoff jusqu’à sa révocation le 29 mars 1926 par le Préfet.
Il faudra faire appel à la police pour l’empêcher de siéger.