Journaliste et historien, Xavier Mauduit vient de faire paraître chez Bayard Vidocq, une vie épique.
Propos recueillis par Marina Bellot
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RetroNews : Votre livre, un film... Pourquoi le personnage de Vidocq continue-t-il de fasciner autant ?
Xavier Mauduit : Vidocq est un jeune garnement, condamné au bagne pour une bêtise, qui devient spécialiste de l’évasion, puis chef de la brigade de Sûreté de Napoléon… Factuellement, il a de quoi fasciner.
Mais ce qui est encore plus net, c’est qu’il traverse les générations, les époques, il nous parle encore aujourd’hui. Les parents de Vidocq sont des boulangers, c’est la petite bourgeoisie de province à Arras. Face à eux, ils ont un môme charmant, charismatique, mais qui est un garnement. Que faire ? Le sanctionner ? Ils le font, ils le dénoncent aux gendarmes. Ça ne marche pas. Ils pardonnent. Rien n’y fait. C’est un problème très actuel...
Il y a aussi la thématique de la prison en tant qu'école du crime qui continue de nous parler.
Quand il écrit en 1844 ses Considérations sommaires sur les prisons, les bagnes et la peine de mort, Vidocq cherche la raison du crime : la misère et le manque d'éducation. Ses questionnements nous parlent aujourd’hui. C’est pour ça qu’il fascine : pour sa vie elle-même et pour la portée de sa vie.
Au départ, c’est donc un jeune garçon turbulent. Quand bascule-t-il dans la délinquance ?
Vidocq veut avant tout faire la fête. C’est un beau garçon, il aime les femmes et l’argent, il veut épater les copains. C’est un fanfaron. Alors il pique dans la caisse des parents, un grand classique. Sauf qu’à un moment la caisse des parents ne suffit plus pour assouvir son appétence d’aventures. Il veut croquer la vie.
C'est un enfant des Lumières, il ne faut pas l’oublier. Le monde s’est agrandi, il a une envie d'Amérique. Or on est dans un monde où il est destiné à faire le métier de son père… Impensable pour lui. Pour pouvoir partir, il pique toute la caisse mais il n’a malgré tout pas assez d’argent.
Il se retrouve seul, perdu, à Ostende, où il veut prendre un bateau. Il fait mille petits métiers. On n’a pas de source pour cette période de sa vie, à part ses Mémoires. L’idée, c’est qu’il fait des petits larcins, rien de grave. Puis il s'engage dans l’armée, il devient sage mais il a un problème : c’est toujours un bagarreur, un séducteur. Et c’est pour une minable histoire de bagarre et de rivalité qu’il est condamné à une petite peine de prison. Pendant cette micro-peine, il va faire une connerie : un faux en écriture pour libérer un co-détenu.
Il a tellement peur de la prison qu’il s'enfuit. Sauf que quand on s’enfuit alors qu’on a un procès, on est chargé par tous les autres… Et il est condamné à huit ans de bagne.
Il continue à multiplier les évasions, il est arrêté et repris et, dans sa fuite éperdue, il est sans cesse face à deux ennemis : face à la police mais aussi face à la pègre.
Car le chantage tombe très vite. Il n’en peut plus et trouve comme échappatoire possible d’aller se mettre au service de la police comme mouchard. La première fois c’est à Lyon, après s’être échappé du bagne de Toulon, pour se venger de malfrats qui l’avaient dénoncé ; mais à l’époque, ça ne se fait pas car il n’y a pas de structure administrative pour l’intégrer à la police de Lyon.
Quelques années plus tard, il le raconte dans ses Mémoires, il est devenu marchand à Versailles sous une fausse identité ; ça marche très bien, jusqu’au jour où il est reconnu… Des types viennent lui dire : « On sait qui tu es, prête-nous ta carriole ». Il accepte, il n’a pas le choix. On lui rend la carriole avec des traces de sang. Lui qui n’a jamais eu de sang sur les mains, il prend peur et il va voir le chef de la 2e division de la préfecture de police, en disant : « je peux vous aider ».