Le massacre de Wounded Knee : 350 Sioux assassinés
Fin novembre 1890, quelques dépêches annoncent l’arrivée de nombreux Indiens à Wounded Knee, petite localité du comté d'Oglala Lakota, dans le Dakota du Sud.
« De Pineridge
2 000 Peaux-Rouges se trouvent actuellement à Wounded Knee, à vingt-cinq milles au Nord. Ils ont commencé leur danse de guerre et paraissent décidés à ouvrir les hostilités. Ils auraient déjà commencé à brûler les fermes des colons. »
Il s’agit en fait de Sioux Lakotas, poussés par la famine et le non-respect des traités signés par le gouvernement des États-Unis, rassemblés autour de leur chef Big Foot. Ce ne sont pas « 2 000 guerriers », mais quelque 120 hommes et 320 femmes et enfants.
Comme Sitting-Bull a été tué quinze jours plus tôt dans une fusillade à Standing Rock, le général Nelson Miles a peur que ses guerriers ne se replient vers les Badlands avec la tribu de Big Foot. Miles déploie des régiments de cavalerie pour les bloquer.
« De Pineridge viennent de partir quatre compagnies du 7e de cavalerie et une batterie d'artillerie, sous le commandement du capitaine Hayden.
Ces troupes sont dirigées vers la rivière de Porcupine, avec ordre de poursuivre les guerriers de Sitting-Bull, qui vont se joindre aux autres Indiens dans les Badlands. »
Ce qui se passe ensuite est décrit dans les premiers articles de presse comme une « attaque » de la part des Sioux, contrecarrée par un « engagement » de l’armée américaine.
« Un nouvel engagement a eu lieu dans la vallée de la Clay entre les Sioux commandés par Little Wound et les troupes américaines sous les ordres du colonel Forysth.
À la suite de la bataille de Wounded-Knee, les soldats, après avoir occupé pendant une nuit le champ de bataille, avaient battu en retraite pour ne pas s'exposer à un retour offensif des Indiens.
Ils étaient encore en marche lorsqu'un courrier est venu apporter la nouvelle que les bâtiments de la mission, où se trouvaient des prêtres, quelques sœurs et une centaine d'enfants, étaient assiégés par les Sioux. Malgré l'état de fatigue dans lequel était le 7e de cavalerie, le colonel Forysth n'hésita pas à revenir vers l'agence.
À un mille environ, les troupes rencontrèrent les Indiens au nombre de dix-huit cents. Le combat s'engagea aussitôt, mais trois ou quatre cent guerriers seulement tinrent tête aux Américains en reculant peu à peu. »
Les premières pertes estimées sont celles d’une bataille classique entre soldats de l’Union et guerriers sioux. À peine quelques femmes blessées.
« D’après une dépêche du général Miles, relatant le combat de Wounded Knee, les pertes se seraient élevées du côté des Américains à vingt-cinq hommes tués et trente environ blessés ou faits prisonniers.
Quant aux Indiens, ils ont laissé soixante-deux morts sur le champ de bataille. Il faut ajouter à ce nombre ceux qui ont été tués dans les ravins. Leurs femmes ont quitté Wounded Knee au commencement de la lutte, mais plusieurs ont été prises par les soldats et trente et une d'entre elles ont été blessées. »
Mais dans les faits, c’est bien un véritable massacre qui s’est déroulé ce jour-là.
La tribu de Big Foot, rassemblée dans un campement de tentes, a accepté un désarmement avant d’être transférée dans le Nebraska. Au milieu de cette opération, un coup de feu dont l’origine reste encore inconnue est tiré. L’enfer s’abat alors sur le village des Lakotas. Les hommes désarmés qui s’enfuient sont mitraillés. Les canons, positionnés en surplomb du campement, bombardent le village, faisant exploser les corps des femmes et des enfants. Ceux qui réussissent à s’échapper sont traqués.
Les échos du massacre retentissent jusqu’à Paris, suscitant l’indignation dans les rédactions.
« Pendant que nous fêtions nos enfants, un général américain supprimait une centaine de petits Sioux et massacrait leurs mères. C'est horrible.
Pour pallier, dans une certaine mesure, le déplorable effet produit par ce télégramme souillé de sang innocent, les journaux américains parlent, parait-il, d'une indigne trahison dont les troupes de l'Union auraient pu être victimes. Est-ce bien vrai ? Le contrôle est trop difficile à pareille distance.
Mais admettons cette trahison... Excuse-t-elle le massacre de ces femmes et ces enfants, hélas non ! Un homme ne peut tirer vengeance que d'un homme. Et l'affaire devait se régler entre les cavaliers américains et les guerriers de la tribu révoltée. »
Le colonel Forsyth, responsable de cette boucherie, est suspendu par le général Nelson Miles, qui demande l’ouverture d’une enquête.
En février, plusieurs chefs Amérindiens se réunissent à Washington pour dénoncer le traitement infligé à leurs peuples et font des révélations sur le massacre de Wounded Knee. Des survivants racontent que les troupes fédérales se sont acharnées sur les femmes et les enfants, pourtant rassemblés sous des drapeaux blancs.
Le Siècle rapporte le témoignage de Turning Hawk, l’un de ces survivants.
« “Aussitôt après que le feu eût commencé”, dit Turning Hawk, “les soldats pointèrent leurs fusils vers les femmes, sous les tentes, là où se dressait l'étendard de trêve ; ce fut le signal d'une fuite panique, les femmes s'échappant dans deux directions différentes, leurs enfants sur le dos.
Nombre de femmes et d'enfants moururent ainsi fusillés, soit près du poteau où était le drapeau de trêve, soit avant qu'elles eussent atteint les issues du village circulaire. Une femme fut atteinte avec son enfant au moment où ses bras étreignaient le poteau, et ce fut horrible, la mère morte, le petit innocent vagissant encore.
Mais voici le pire : après ce massacre inhumain on cria que les Indiens non blessés ni tués pouvaient se rendre, qu'ils auraient la vie sauve ; des garçonnets, des fillettes, sortirent de leurs asiles, et à mesure qu'ils arrivaient à la lumière, les soldats les entouraient, et c'était une boucherie.”
Et comme le dit en pleurant ce sauvage : “Les femmes, les enfants, il faudrait être aveugle pour les confondre avec les guerriers ; et les femmes n'étaient pas armées.” »
On sait aujourd’hui que ce sont entre 300 et 350 Sioux Lakota qui ont été systématiquement assassinés à Wounded Knee, leurs corps jetés dans une fosse commune.
Aujourd’hui, cent vingt-sept ans après les événements, les Amérindiens réclament toujours la reconnaissance officielle de ce massacre par le gouvernement des États-Unis.