Séquence pédagogique

Europe et révolution industrielle : Socialisme et Libéralisme

le par - modifié le 02/05/2023
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RetroNews et Clionautes se sont associés pour proposer des séquences pédagogiques sur les sujets du programme d'Histoire. L'objectif de cette séance est d'étudier l'impact de la révolution industrielle sur le monde ouvrier à travers l'exemple de la grève du Creusot.


Niveau Quatrième | Thème 2 - L'Europe et le monde au XIXème siècle | Chapitre 1 : L'Europe et la révolution industrielle : Socialisme et Libéralisme.

SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE CLÉ EN MAIN

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Pré-requis

Avoir étudié la condition ouvrière liée à l’industrialisation du continent européen

La grève du Creusot

Questions

1. Quelle est la cause première de la grève de 1870 ? 
2. Qui est Assy ? Quelle image Le Figaro donne-t-il de cet homme ?  
3. Effectuez une recherche sur l’Internationale évoquée dans l’article du Figaro : quand a été créée cette association ? Quels sont ses objectifs ? 
4. Les grévistes ont-ils obtenu satisfaction de leurs revendications ? Par quels moyens la grève prend fin ? 
5. Quel est le positionnement du Figaro et du Progrès de Côte d’Or sur le mouvement de grève ?

Document 1 : Les trois dépêches télégraphiques du Figaro : la grève du Creusot 

« Grève du Creusot

[...] Creusot, 20 Janvier, 5h.5 du soir.

Les bruits de bataille qui ont couru un moment à Paris sont sans fondement. Il n’y a pas eu de conflit. Voici les causes de la grève : 

Jusqu’au 31 décembre dernier, la présidence de la Société de secours mutuels des ouvriers du Creusot était confiée à M. Henry Schneider et la caisse de la même société était gérée par l’administrateur de l’usine. Allant au devant des désirs des ouvriers, on les a appelés à voter, samedi 15 janvier, sur la question de savoir s’ils voulaient maintenir l’ancien état de choses ou prendre la gérance des intérêts de leur société. Ils devaient voter par oui dans le dernier cas et par non dans le premier. Les ouvriers avaient sans doute mal compris l’objet du vote; les uns croyaient voter sur le libre-échange ; d’autres sur les admissions temporaires ; d’autres, enfin, croyaient à un piège. De là, beaucoup d'abstentions. Cependant, la majorité a voté OUI, c’est-à-dire pour la gérance de leur caisse de secours par les ouvriers. 

Avant le vote, des assemblées préparatoires avaient été tenues pour discuter les droits des ouvriers. Dans ces réunions, un nommé Assy, ouvrier ajusteur, au Creuzot depuis quelques mois, s’est mis en relief et a su prendre de l’influence sur ses camarades. Il est vrai qu’il s’exprime avec facilité et élégance, et qu’il sait faire sonner haut les mots droits des ouvriers. Il est instruit et parle également bien le français, l’anglais et l’allemand. D’abord appelé à présider les réunions, il est bientôt devenu un chef, et un chef influent. On a su depuis qu’il est en correspondance régulière avec Paris et Londres, ce qui fait craindre qu’il ne soit l’instrument de quelque société secrète, de la Fraternelle ou de l’Internationale.

Samedi, lundi et mardi, Assy, pénétré de son rôle de chef de mouvement et oubliant ses devoirs d’ouvrier, ne s’était pas rendu au travail d’usage. On l’a remplacé à son étau mais on ne l’a pas renvoyé, comme on a essayé de le faire croire. 

Mercredi matin, à 7 heures, à la reprise des travaux, il arrive après tout le monde, se rend à son étau, et le trouvant occupé, il donne une sorte de mot d’ordre. Aussitôt, une quarantaine d’ouvriers quittent l’atelier de construction sans rien demander aux chefs-ouvriers, et se répandent dans l’usine arrêtant partout leurs camarades. 

Et voilà comment, dès onze heures, ajusteurs, monteurs, forgerons, fondeurs, puddleurs et mineurs, tous avaient cessé leurs travaux. 

[...] A deux heures de l’après-midi, 3,000 ouvriers étaient aujourd’hui réunis sur la place, et des députations se sont rendues auprès de M. Schneider. Des groupes ont proposé de se constituer en surveillants pour protéger les points de l’usine dont l’abandon peut avoir de graves conséquences. Mais M. Schneider repousse cette offre, ne voulant pas exposer ces hommes de bonne volonté à une collision avec leurs turbulents camarades. 

Ces derniers commencent à demander une réduction de leurs heures de travail, une augmentation des salaires, la réintégration d’Assy et le renvoi de son supérieur, M. Renaud, chef de construction. 

[...] M. Schneider décide que les travaux ayant été arrêtés, ne reprendront maintenant que lorsqu’il en donnera l’ordre, et que ce jour-là tous les ouvriers qui ne viendront pas aux ateliers seront renvoyés, dut-il perdre au chômage des sommes considérables. Ayant 10,000 hommes à conduire, il ne peut céder, dit-il, sur la question de discipline.

Les choses en sont là.

[...] Ce qu’il y a de plus grave en cette affaire, c’est que si les hauts fourneaux restent soixante-douze heures sans chauffer, ils sont perdus, et que si les pompes à épuisement des mines restent encore deux jours sans travailler, les mines sont noyées.

Aussi l’anxiété est-elle grande : on voit l’existence de l’usine compromise et les pertes se compter par millions. 

Hier, de jeunes gens, étant allés voler du charbon dans les mines abandonnées et déjà envahies par l’eau, ont été surpris par un éboulement. 

On en a retiré deux blessés et six morts, dont quatre femmes. Voilà déjà un premier et grand malheur occasionné par la grève. 

DEUXIÈME DÉPÊCHE

Depuis longtemps les ouvriers étaient très travaillés. Une active propagande a été faite : on répandait à profusion chez eux les journaux de nuance extrême.

La mine qui a englouti plusieurs personnes est une exploitation à ciel ouvert que l’on nomme la « découverte de la croix ».  Les six morts seront enterrés demain.

Des grévistes du Creusot ont essayé de soulever les mineurs de Montceau, mais cette tentative n’a pas réussi jusqu’ici. Il n’y avait pas eu de grève ici depuis 1848.

TROISIÈME DÉPÊCHE

Creusot, 7h. soir

Neuf brigades de gendarmerie sont arrivées, dit-on, aujourd’hui par le chemin de fer, d’Autun, Nevers et Chagny. Le général Palikao aurait envoyé des adjoints à l’intendance pour acheter des fourrages à Châlons-sur-Saône. On parle de cinq escadrons de cavalerie dirigés par la ligne du Bourbonnais sur notre embranchement. Deux batteries d’artillerie et trois bataillons de l’armée de Lyon sont prêts à partir par les voies rapides si leur présence est nécessaire. Le parquet est arrivé ici, à ce qu’on m’assure. M. Schneider paraît très calme. La perte des ouvriers, pour les salaires, est de 200,000 fr. par jour environ ; l’usine perd plus de 800,000 fr., soit 1 million par vingt-quatre heures.» 

Document 2 : La grève du Creusot

« La grève qui s’est déclarée au Creusot a pris immédiatement des proportions considérables. Tous les ateliers, tous les puits sont déserts, tous les hauts fourneaux et chaufferies sont éteints ; les convois de houille de Montchanin et les convois de minerai de Mazenay ont été suspendus. Les ouvriers sont tranquilles et se promènent paisiblement dans les rues ; mais on craint que la grève ne s’étende au bassin houiller tout entier. La cause déterminante de cette grève n’est pas due à une question de salaires, mais, comme on pouvait le pressentir, à un conflit dont nous avons dans nos derniers numéros raconté toutes les phrases, conflit survenu entre l’administration de l’usine et les corporations d’ouvriers qui demandent la gérance de leur caisse de retenues. Voici comment la grève s’est déclarée : plusieurs réunions publiques d’ouvriers ont eu lieu dans ces derniers temps. Ces réunions où la question de la caisse de retenues se discutaient, étaient présidées par un ouvrier des plus intelligents, des plus fermes et nous pouvons l’affirmer, des plus modérés, M. Assi.

Mercredi, vers 6 heures du matin, lorsque M. Assi vint à son travail, le contremaître lui signifia son renvoi. Lorsque les ouvriers apprirent ce renvoi, ils se levèrent en masse, sonnèrent les cloches et passant d’un atelier à l’autre arrêtèrent tous les travaux. 

A sept heures, il ne restait plus un ouvrier dans les ateliers. 

Les ouvriers nommèrent immédiatement des délégués qui se rendirent à 11 heures chez M. Schneider. Ils furent reçus par M. Schneider fils et chefs de service. 

M. Assi, au nom des délégués, réclame : 1° La gestion de la caisse pour les ouvriers; 2° La réintégration des ouvriers renvoyés ; 3° Le renvoi de M. Renaud, chef de construction, contre lequel ils paraissent avoir de sérieux griefs. 

Les délégués ont affirmé à plusieurs reprises à M. Schneider fils « qu’ils n’avaient point l’intention, en quittant l’usine le matin, se se constituer en grève, mais uniquement de faire une démonstration. » 

[...] M. Schneider a répondu fort sèchement aux ouvriers que depuis 32 ans il gouvernait à sa guise le Creusot, qu’il continuerait d’en rester le seul maître, qu’il ne fermerait aucune concession et qu’il fermerait plutôt son usine, sauf à faire un triage parmi les ouvriers quand le travail reprendrait. A deux heures plusieurs milliers d’ouvriers étaient convoqués sur la place. M. Schneider, qui devait s’y rendre, n’a point paru. 

[...] Si nous ne vivions pas sous un régime politique étouffant, si cette réunion avait pu avoir lieu, nous avons la conviction que le travail eut été repris immédiatement. »

Les conséquences sociales et politiques de cette grève

Questions

1. Quelle opinion Henri Schneider a-t-il du socialisme ? Quelle comparaison emploie-t-il pour justifier le fonctionnement de son usine ?
2. Henri Schneider craint-il que le socialisme « contamine » ses ouvriers ?
3. A partir de vos recherches personnelles, rédigez une notice biographique sur Jean-Baptiste Dumay, l’auteur du document 4 (dates de vie et de mort, activités, engagements politiques et mandats notoires).
4. A quelle institution Jean-Baptiste Dumay compare-t-il l’entreprise Schneider du Creusot ? Quels reproches émet-il ?

Document 3 : La question sociale, Capitaliste et Prolétaires, au Creusot 

« Quand j’eus posé ma question, il me demanda brusquement : 

-Mais enfin, voyons, qu’est ce que le socialisme ? 

Comme il m’était difficile d’improviser et de réciter une définition sortable, je dis : « Ce sont les théories dont on paraît se préoccuper davantage depuis les dernières explosions de dynamite. Ce n’est pourtant pas la même chose… » 

-Evidemment, ça n’est pas la même chose, l’interrompit M. Schneider avec cette fougue sanguine qui paraît la marque dominante de sa nature. Si Ravachol avait été M. de Rothschild, il n’aurait pas fait sauter des maisons, et si M. de Rothschild s’était trouvé à la place de Ravachol, il est probable qu’il en aurait fait autant que lui, en supposant que M. de Rothschild eût des instincts criminels, ce que je ne crois pas ! … car Ravachol n’est rien autre qu’un criminel de droit commun… Mais les socialistes, qu’est ce qu’ils veulent ? 

-Entre autres choses, on dit qu’ils voudraient supprimer le patronat… ou plutôt les privilèges exagérés des patrons…

-Ah ! oui ! M. de Mun, qui est un de mes amis, veut aussi supprimer les patrons. Je lui ai dit un jour : « Je n’entends pas être supprimé, je me défendrai, soyez-en sûr ! » Voyons, est-ce admissible ? Ne faut-il pas une tête pour y penser ? Un corps, quel qu’il soit, peut-il se passer de la pensée ? Aujourd’hui, où tout est aux sciences et aux arts, rêve-t-on un Pasteur sans tête qui trouverait, avec ses mains ou ses pieds, le moyen de guérir la rage ? Voit-on un artiste décapité peindre un tableau avec ses seuls doigts ? De même, comment admet-on une usine, même un simple atelier sans une tête qui pense pour tous les autres, sans patron ? C’est de la folie, c’est de la folie pure. » 

Document 4 : Le Creusot, un fief capitaliste

Le Creusot fief capitaliste de Jean-Baptiste Dumay, en 1891

« Si les délégués aux Congrès ouvriers tenus en ces derniers temps n’ont pas toujours été du même avis  sur le remède à apporter au malaise social actuel, ils ont, du moins, été unanimes à reconnaître que la cause en était dans l’extension toujours plus croissante du machinisme et sa conséquence naturelle, la concentration des capitaux dans les mains des grandes Compagnies représentées par quelques personnalités, remplaçant, avec aggravation pour l’ouvrier, les seigneurs d’avant 1789.
La concentration capitaliste amène la concentration ouvrière et les ateliers modernes se transforment insensiblement en de véritables casernes.
Le Creusot étant un modèle des mieux réussis en ce genre de bagnes industriels, où les ouvriers sont enrégimentés, logés, numérotés et surtout surveillés, non seulement dans leurs fonctions de producteurs, mais encore dans leur vie privée, intime, nous croirions manquer à notre devoir de socialiste si, dans un moment où la question sociale passionne tout le monde, nous ne viendrons pas dévoiler au public l’organisation tyrannique de cette grande Compagnie.  Nous prouverons par là que nous n’allons pas en guerre contre les moulins à vent, comme le prétend un radical parisien, mais que nous combattons des abus réels dont l’existence prend, chaque jour plus, le caractère d’un véritable danger public. »

Evaluation

Question

À partir de l’étude des documents lors de la séance, de vos recherches personnelles, des séances précédentes, et des deux documents ci-dessous, mettez en avant les nouvelles idéologies nées de la révolution industrielle, leurs principes fondateurs, et leurs oppositions. 

Document 1 : Affiche de propagande de la deuxième Internationale

Sur le globe : « Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! Karl Marx » 

Sur la banderole « Egalité, Liberté, Fraternité » 

Affiche de propagande de la Deuxième Internationale, Histoiregeolb

Document 2 : Entretien avec Henri Schneider

« - L’intervention de l’Etat ?

-Très mauvaise ! très mauvaise ! Je n’admets pas du tout un préfet dans les grèves ; c’est comme la réglementation du travail des femmes, des enfants ; on met des entraves inutiles, trop étroites, nuisibles surtout aux intéressés qu’on veut défendre, on décourage les patrons de les employer et ça porte presque toujours à côté. 

-La journée de huit heures ? 

-Oh ! Je veux bien ! dit M. Schneider, affectant un grand désintéressement, si tout le monde est d’accord, je serai le premier à en profiter, je travaille souvent plus de dix heures par jour… Seulement, les salaires diminueront ou les produits augmenteront, c’est tout comme ! Au fond, voyez-vous, la journée de huit heures, c’est encore un dada, un boulangisme. Dans cinq ou six ans, on n’y pensera plus, on aura inventé autre chose. Pour moi, la vérité c’est qu’un ouvrier bien portant peut très bien faire ses dix heures par jour et qu’on doit le laisser libre de travailler davantage si ça lui fait plaisir… » 

SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE CLÉ EN MAIN

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