La crise du phylloxéra, ou la maladie des vignobles
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, un insecte, le phylloxera vastatrix, va décimer le vignoble de nombreuses régions françaises. Ses ravages sont tels que le paysage viticole français va être totalement bouleversé.
Le phylloxéra vastatrix
Petit puceron originaire d’Amérique, le phylloxéra vastatrix de la vigne est responsable du dessèchement des sarments et des feuilles (phyllon « feuille », xeros « sec », vastatrix « dévastateur »). Il se fixe sur les racines des plants de vigne pour en sucer la sève.
En 1863, les vignobles de Pujaut (Gard) sont atteints par une mystérieuse maladie qui n’est identifiée qu’en 1867. En 1868, pour lutter contre la propagation rapide de la maladie, une commission est nommée et découvre que le puceron est responsable. La maladie gagne le Gard (1873), l’Hérault (1875), l’Aude (1883) puis le Bordelais.
Jules Emile Planchon (1823-1888)
Botaniste, Jules Emile Planchon réalise une carrière universitaire à Gand, à Nancy, puis à Montpellier où il devient professeur à la faculté de médecine en 1881. Il participe au groupe d’experts qui détecte le phylloxéra à Saint-Martin de Crau en juillet 1868. Après un voyage aux Etats-Unis en 1873, il publie de nombreux articles et ouvrages consacrés au phylloxéra et à la méthode du greffage. Il meurt en 1888 et est enterré à Montpellier.
Américanistes contre sulfuristes
Désemparés, les vignerons ne peuvent que constater les dégâts et se tournent vers l’Eglise, qui multiplient les processions ou vers les nombreux charlatans qui profitent de l’aubaine pour vendre des remèdes les plus divers (Le Gaulois, 24 décembre 1874). De nombreuses personnes considèrent d’ailleurs le phylloxéra comme étant une conséquence de la maladie et non la cause (Le Constitutionnel, 19 janvier 1869).
De nombreux procédés sont expérimentés mais seulement trois méthodes de lutte semblent être efficaces (Bulletin de l’Institut catholique de Toulouse, 11 janvier 1884).
La première est la submersion du vignoble afin de tuer les œufs de puceron. Cette méthode permet à certaines industries de prospérer, comme la maison Hermann-Lachapelle.
La deuxième méthode est le traitement par le sulfure de carbone (Le Temps, 7 juillet 1874), mais ce procédé se révèle être très onéreux et difficile à mettre en œuvre en raison de sa dangerosité.
Jules-Emile Planchon, en établissant que le phylloxéra a été introduit par des viticulteurs ayant importé des plants américains, fait expérimenter un grand nombre de ces plants à l’école d’agriculture de Montpellier et commence à greffer des cépages français. Il développe ainsi la troisième méthode qui est celle du greffage sur porte-greffes grâce à des conférences et des cours donnés par la société régionale de viticulture de Lyon. En 1877, il fonde la revue La vigne américaine, sa culture, son avenir en Europe. La méthode des « américanistes » (porte-greffes) l’emporte finalement sur les sulfuristes.
Les conséquences
Entre 1885 et 1895, un nouveau vignoble s’implante en France mais il est réduit d’un tiers (1 740 000 hectares en 1900 contre 2 600 000 en 1865).
Afin de compenser le déficit en vin, le gouvernement soutient les colons afin qu’ils développent le vignoble algérien, qui devient excédentaire.
Les plants américains nécessitant de nombreux traitements, le coût d’exploitation du vignoble augmente ce qui oblige de nombreux viticulteurs à augmenter leur rendement, au prix d’une dégradation de la qualité, notamment dans le Languedoc. La monoculture se généralisant, cela entraîne une surproduction et rend plusieurs régions entièrement dépendantes du vin.
Bibliographie
Dominique Barjot, La France au XIXe siècle, Paris, PUF, 2014.
Jules Emile Planchon, La vigne américaine, sa culture, son avenir en Europe, 33 vol., 1877-1911.
Jules Emile Planchon, « Le phylloxera en Europe et en Amérique », Revue des Deux Mondes, 1874.
Roger Pouget, Le phylloxéra et les maladies de la vigne : La lutte victorieuse des savants et des vignerons français (1850-1900), Paris, Edilivre, 2015.