Severiano de Heredia, le maire de Paris mulâtre
Originaire de Cuba, mulâtre né libre, il fut maire de Paris en 1879 et ministre de la République en 1887. Sitôt enterré, son nom est injustement tombé dans l'oubli.
Né à Cuba en 1836 de parents libres, Severiano de Heredia est envoyé en France par son parrain alors qu’il n’a que dix ans. C’est un élève brillant, qui reçoit en 1855 le grand prix d’honneur du lycée Louis-le-Grand à Paris.
Après avoir obtenu sa naturalisation par décret en 1870, il entre au conseil municipal de Paris pour le quartier des Ternes (17e arrondissement). Il deviendra président du conseil municipal (l’équivalent du maire) en 1879.
L’homme, discret, suscite peu l’intérêt des journalistes. Il faut attendre 1887 et sa nomination comme ministre des Travaux publics pour que son nom apparaisse çà et là dans la presse.
Dans L’Avenir de la Mayenne on peut lire [Voir l'archive] :
"M. Severiano de Heredia est né à la Havane et naturalisé Français après les évènements de 1870. Il a débuté dans la vie publique comme conseiller municipal de Paris ; député depuis 1881, il a peu parlé, mais c’est un travailleur infatigable, un débrouillard en matière d’affaires et d’économie politique.
Au physique, un homme de cinquante ans, qui paraît plus jeune que son âge ; teint plus qu’olivâtre ; tenue et façons de gentleman. À eu de grands succès scolaires, et fut vers sa vingtième année un poète charmant.
M. de Hérédia est marié et père d’une jeune fille. Son fils s’est noyé, il y a quelques années, sur la plage de Trouville."
À sa mort due à une méningite foudroyante en 1901, à soixante-cinq ans, seuls quelques journaux signalent sa disparition. Gil Blas s'insurge contre ce silence [Voir l'archive] :
"Ses nécrologies sont excessivement courtes. Il méritait mieux que cela, ce mulâtre, souventes fois rencontré par nous dans le quartier des Ternes, dont il fut le conseiller municipal de 1873 à 1881 ; pendant cette longue période de son mandat il fut, tour à tour, secrétaire, vice-président et président à l'Hôtel de Ville."
Le quotidien rend hommage à son engagement en faveur de l'éducation, et publie le vibrant appel qu'il adressait en 1871 [Voir l'archive] :
"« Aux États-Unis, il n'est pas un rentier, un industriel, un homme intelligent et aisé qui ne tienne à honneur d'appartenir à des comités scolaires. Plus de sept cent mille personnes des classes les plus riches s'y occupent des intérêts intellectuels du pays.
Suivons cet exemple donné par la grande République. Groupons-nous et agissons si nous voulons supprimer l'ignorance, si nous voulons répandre enfin un enseignement fondé sur des principes de Justice et d'Ordre démocratique.
En tête de ces principes, nous plaçons la laïcité absolue des programmes dans l'école, avec le respect le plus entier pour les sentiments religieux des parents et la liberté incontestée pour eux de donner, au dehors, à leurs enfants, tel enseignement dogmatique qui leur conviendra.
L'École largement ouverte à tous, sécularisée et fortifiée dans ses programmes, peut seule être l'initiatrice souveraine de la Liberté.
Continuons à provoquer en sa faveur l'action des pouvoirs publics, à demander comme une loi de salut national, une nouvelle loi scolaire plus large et plus progressive.
Mais ne bornons pas là notre tâche.
Défendre par des pétitions, par la parole et par la plume, les droits de l'enfant à l'instruction scientifique et morale, c'est bien ; les lui restituer par notre seul effort, c'est mieux.
Demander des écoles à l'État, à la commune, c'est notre droit : en créer nous-mêmes, ce sera notre honneur. »"