1942 : Laval devient chef du gouvernement de Vichy
D’abord socialiste, proche de la SFIO et maire d'Aubervilliers, Pierre Laval restera pourtant dans l’Histoire comme une personnalité funeste, artisan en chef de la collaboration – le second de Pétain.
Dans son édition du 20 avril 1942, Le Progrès de la Côte-d'Or, journal collaborationniste, se félicite du retour au pouvoir de Pierre Laval, dauphin de Philippe Pétain et artisan en chef de « l’État français » de Vichy.
Pétain, après l’avoir écarté du régime un an et demi plus tôt, se décide à le renommer en tant que chef du gouvernement :
« On connait notre position : même contre certains de nos amis, nous avons soutenu M. Laval et sa politique. Car le nouveau Premier français a une politique : tant d'autres en ont de rechange !
Il sait ce qu'il veut, là où il va, et par quelles voies : combien demandent au vent des intérêts et des passions la route qu'ils doivent prendre !
Mais nous avons suivi, au travers de cette tourmente, l'action de M. Laval, dans l'intérêt unique de la France, notamment au cours des travaux préparatoires puis constitutifs de cette Assemblée Nationale de Juillet 1940, d'où est issue cette Révolution Nationale accomplie dans l'ordre, dans la méditation profonde de notre Peuple, sans autre trouble que les manifestations criminelles mais sporadiques des agents de l'étranger et de la dissidence de sa solde. »
Dans la foulée de sa nomination, il prononce une phrase lugubre et restée célèbre, qui résonne aujourd’hui comme l’expression définitive de la collaboration française au régime national-socialiste :
« Je souhaite la victoire de l'Allemagne, parce que, sans elle, le bolchevisme demain s'installerait partout. »
Né en 1883 à Châteldon, une petite commune du Puy-de-Dôme réputée pour ses eaux thermales, dans une famille modeste dont le père est aubergiste, Pierre Laval devient avocat en 1909 après avoir obtenu son diplôme en autodidacte.
Avocat proche des Français pauvres, dont il se déclare alors le défenseur, il devient célèbre en 1911 en obtenant l'acquittement de Gustave Manhès, un ouvrier ferblantier proche des anarchistes, accusé de propagande révolutionnaire. Ses affaires au barreau seront dès lors prospères.
Son engagement politique date de 1903 et de son adhésion au Comité révolutionnaire central, un mouvement politique qui a repris à son compte les thèses d'Auguste Blanqui et qui devient en 1905 la SFIO, l'ancêtre de l'actuel Parti socialiste.
Pierre Laval va dès lors occuper plusieurs responsabilités politiques, devenant député de la 2e circonscription de Saint-Denis en 1914. La Grande Guerre qui éclate peu après le trouve pacifiste et opposé à l'Union sacrée. À l'armistice, il est confortablement élu maire d'Aubervilliers, un mandat qu'il conservera jusqu'à la Libération, presque trente ans plus tard.
En 1925, il est nommé ministre des Travaux publics du gouvernement de centre-gauche de Paul Painlevé, avant de devenir président du Conseil en 1931. En 1934, il succède à Louis Barthou au poste de ministre des Affaires étrangères. Il est fermement opposé à une guerre avec l’Allemagne. Il se déclare déjà « antisoviétique ».
Puis, début 1936, alors qu'il est très impopulaire pour avoir mis en place une politique économique d’austérité – la même qui favorisera la réussite du Front populaire aux élections –, il se retrouve brutalement écarté du gouvernement. Pendant quatre ans, il disparaît sensiblement des lumières de la politique nationale.
Après la défaite des troupes françaises et suite à l'armistice signé le 23 juin 1940, il fait son grand retour ; Pétain, le sachant expérimenté et farouchement opposé à toute pactisation avec le PCF, le nomme ministre de la Justice du nouveau gouvernement dit de la Révolution nationale. C’est le début de la collaboration.
Manœuvrant habilement face aux députés, Laval réussit à obtenir les pleins pouvoirs par le maréchal Pétain, qui le nomme vice-président du Conseil. Toutefois, les relations entre les deux hommes se révèlent difficiles ; Pétain le congédie quelques mois plus tard, en novembre 1940.
Le traité de paix tant espéré avec l'Allemagne, dont son successeur l'amiral Darlan est le principal artisan, se faisant attendre, et sous la pression des nazis qui souhaitent l'éviction de ce dernier, Pétain prend la décision le 18 avril, contre toute attente, de rappeler Laval. Il le nomme à nouveau chef du gouvernement ; c’est sous cette forme que l’Histoire se rappellera de lui : l’éternel numéro deux du maréchal Pétain.
Ne souhaitant, d'après lui, que le « bien de la France », il va alors tout faire pour se rapprocher diplomatiquement de l'Allemagne nazie.
À peine en poste, Laval commence à s'entourer d'hommes en qui il a toute confiance et qui vont lui permettre de mener à bien sa politique. Celle-ci consiste en une aide énergique au régime national-socialiste dont l’armée victorieuse occupe déjà la moitié du territoire français, et un effort policier accru visant ceux que l’on nomme alors les « agents de l’étranger » (les Français résistants), de même qu’envers les ressortissants français juifs.
Le journal collaborationniste La Petite Gironde, dans son édition du 20 avril, détaille sa première mesure :
« Le Président Laval, arrivé de Châteldon à 9 h 50, a pris, dimanche, possession de ses fonctions. Il s'est installé dans les locaux qu'il occupait autrefois à l'hôtel du Parc.
Sa première visite a été pour le Maréchal Pétain, avec lequel il s'est longuement entretenu.
La première nomination qu'il a soumise à sa signature a été celle de M. Rivalland, ancien secrétaire général à la police, qui va prendre les fonctions de préfet général des Bouches-du-Rhône.
Il doit soumettre l'après-midi au Maréchal d'autres propositions.
Il a eu également avec l'amiral Darlan une longue conversation. Leur communauté de vues est entière. »
Pierre Laval mènera dès lors une politique de collaboration extrême avec l’occupant : pourchassant les résistants, combattant les Alliés, livrant sans répit Juifs et Tziganes aux agents du Reich – et à une mort certaine.
À l'heure de la défaite des nazis, il trouvera, comme les plus importants collaborateurs français, refuge en Allemagne, dans la forteresse de Sigmaringen, avant de fuir en direction de l’Espagne. Franco le livrera toutefois au gouvernement français de transition. Sans surprise, il sera condamné à mort pour haute trahison à l'issue de son procès.
Il mourra fusillé le 15 octobre 1945, aux abords de la prison de Fresnes.