Pour Jean Facon Marrec, qui travaille surtout pour la publicité et la mode, c’est sans doute exact. Pour André Claudot (1892-1982), qui a pris la vice-présidence du Comité de défense des locataires de Montmartre aux artistes créé au début du mois d’août, c’est un peu moins certain.
Ce n’est pas un permanent appointé. Mais l’artiste, au chômage depuis 1932, membre de l’Union confédérale des locataires, qui occupe dès le début avec sa femme Suzanne un atelier de la cité, est proche de l’extrême-gauche de la SFIO et de la CGT. De culture libertaire, il s’est engagé très tôt en politique, échappant de peu à une inculpation pour un dessin antimilitariste en 1912.
Il est ensuite inscrit au Carnet B des individus dangereux pour la sûreté nationale pour ses activités anarchistes entre 1912 et 1914 (à cause d’un colis d’affiches et de tracts incitant à la désertion qui lui était destiné). Au début des années vingt, Claudot fournit chaque semaine un dessin au Libertaire et collabore aussi à Clarté.
Depuis son retour de quatre années vécues en Chine en 1930, ce peintre bourguignon quadragénaire, ancien combattant, fait cependant plutôt l’objet d’articles liés à ses activités artistiques (son œuvre est notamment vantée par André Warnod puis Yvanhoé Rambosson dans Comœdia ainsi que dans Le Progrès de la Côte d’Or). Pour autant, il ne s’est pas assagi. Proche d’un groupe de peintres anarchistes ou prolétariens (Maximilien Luce, Georges Cresson, Jean Lugnier ou Jean Lébédeff), ce sont des œuvres liées au « Travail, à l’Usine et au chantier » qu’il expose à la galerie Katia Granoff.
Ce 25 septembre 1934, l’huissier n’osera se présenter pour saisir les meubles des Claudot. Les artistes ont donc provisoirement gagné. Ils ont partagé avec la délégation de 80 chômeurs « un joyeux déjeuner improvisé » dans la cour. Un pot-au-feu solidaire qui a ponctué une journée finalement calme en dépit de fausses alertes. La guerre de la cité des artistes n’aura pas lieu.
Des derniers soubresauts marquants sont signalés par la presse au début du mois d’octobre. Par la suite, le calme semble revenir.
Le retour de Claudot en Bourgogne en 1935 y est-il pour quelque chose ? La situation à Paris reste problématique. En dépit de la nomination d’un administrateur provisoire et d’une action en justice des locataires à la fin de l’année 1934, en 1936, la mairie doit prendre en main la gestion délétère de la cité.
Cette journée est symptomatique du climat politique et social de l’époque. Tandis que Le Journal des débats politiques et littéraires du 27 septembre 1934 la rapporte comme un fait divers en la traitant de manière détachée, elle fait l’objet d’articles revendicatifs dans la presse de gauche et d’extrême gauche, où l’on appelle à l’intervention du Garde des Sceaux et de la Mairie. Mais si la gauche dénonce les affairistes et le chômage, les critiques ne visent pas globalement le régime.
Ce n’est pas le cas à l’extrême droite, où pour L’Action française le moindre fait divers est transformé en scandale politico-financier pour miner l’État. En décembre, alors que la procédure judiciaire est en cours, le quotidien revient sur la situation de crise de ces « travailleurs intellectuels », condamnant les 6 millions de francs envolés, les loyers trop chers, les logements inadaptés et déjà dégradés.