Long Format

L'insurrection manquée de Louis-Napoléon Bonaparte à Strasbourg

le par - modifié le 05/08/2020
le par - modifié le 05/08/2020

Baden, 1836 : Le prince Louis-Napoléon Bonaparte et le colonel Vaudrey préparent une tentative de soulèvement militaire.

 

Un apprenti comploteur

Depuis la mort de son cousin, le duc de Reichstadt, en 1832, Charles-Louis-Napoléon est le prétendant légitime au trône impérial. Rêvant de gloire et de grandeur, il s’imagine agir comme son oncle durant les Cent-Jours, ralliant à lui le peuple français. Le projet de conspiration prend forme autour d’une table de café, lors de discussions avec des officiers français. Proposant une alliance entre la démocratie et l’autorité, le prince impérial envisage de prendre Strasbourg. À l’annonce de cet événement, plusieurs villes devraient se rallier, facilitant la marche glorieuse sur Paris. Manquant d’expérience militaire, le prétendant sait qu’il a besoin d’un véritable chef de guerre, qui devrait être le colonel Vaudrey.

Informée de la présence du prétendant impérial et de ses discussions avec des officiers français, la police de Louis-Philippe fait convoquer dès son retour de permission le colonel Vaudrey. Interrogé par le général Voirol, il reconnaît aussitôt qu’il a bien rencontré le prince impérial. Le 14 août 1836, le général Voirol reçoit une lettre de Louis-Napoléon mais choisit de ne pas lui répondre et d’en rendre compte au préfet puis au ministre de la Guerre.
Impatient, Louis-Napoléon se rend clandestinement à Strasbourg pour rencontrer une vingtaine d’officiers. Certain de les avoir convaincus, il rentre en Suisse où il est capitaine d’artillerie dans le canton de Thurgovie afin d’y attendre le moment opportun.
Les aventures illustrées (sinon illustres) de Louis Verhuel dit Bonaparte ; Imprimerie Talons - source : Gallica-BnF

Une conspiration qui tourne au fiasco

Le 25 octobre 1836, Louis-Napoléon se rend à Baden puis gagne Strasbourg le 28 au soir. La nuit suivante, les conspirateurs se réunissent et écoute la lecture des premières proclamations devant être placardées en Alsace. Le 30 octobre 1836, ayant revêtu un uniforme d’artilleur et arborant les insignes de la Légion d’honneur, le chef de la conspiration se rend au quartier Austerlitz entouré de ses fidèles soutiens. En attendant l’arrivée du prince impérial, Vaudrey distribue de l’argent et des cartouches à ses hommes. Ayant obtenu le ralliement de la troupe , Louis-Napoléon envoie plusieurs détachements à travers la ville afin de soulever les autres casernes. Un officier se charge d’aller arrêter le préfet, qu’il saisit encore au lit.
 
Arrivé au domicile du général Voirol, Louis-Napoléon tente d’obtenir son soutien mais on finit par en venir aux mains, la mère et l’épouse du général se jetant également dans la mêlée. Le général Voirol se dégage et, prenant la tête du 16e régiment de ligne, marche sur la préfecture tandis que Louis-Napoléon se rend auprès du 46e régiment de ligne. C’est devant la caserne Finkmatt, les principaux meneurs sont arrêtés et l’aventure prend fin à 8 heures du matin.
Les grandes aventures du prince Louis-Napoléon ; Henri Pottin ; Imp. Lacrampe fils - source : Gallica-BnF

La fin de l'aventure bonapartiste ?

En informant le ministre de la Guerre des événements venant de se dérouler à Strasbourg, le général Voirol provoque une panique au Palais-Royal en raison d’une coupure dans la transmission télégraphique mais le danger est passé.  Aussitôt connue, cette aventure est condamnée par la presse et par l’opinion publique.

Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1836, une escorte de gendarmes assure le transfert vers Paris de Louis-Napoléon. Ne pouvant le juger publiquement et donc lui offrir une tribune, le gouvernement fait le choix d’exiler le prétendant impérial en Amérique du Sud.
 
Les autres meneurs de la conspiration sont, quant à eux, traduits devant la cour d’assises. Le procès des sept accusés s’ouvre le 6 janvier 1837 au palais de justice de Strasbourg. Le 18 janvier 1837, ils sont tous acquittés après une délibération rapide. Afin de célébrer cette décision, acclamée par le public, un grand banquet est alors organisé. Malgré un échec retentissant, la cause napoléonienne vient de trouver une incarnation, le prince Louis-Napoléon.
Les aventures illustrées de Louis Verhuel dit Bonaparte ; Imprimerie Talons , Paris - source : Gallica-BnF

Louis-Napoléon Bonaparte (1808-1873)

Fils de Louis Bonaparte et d’Hortense de Beauharnais, il mène une jeunesse aventurière dans les années 1830. Il tente deux coups d’États contre la monarchie de Juillet à Strasbourg en 1836 et à Boulogne en 1840. Emprisonné au fort de Ham, son évasion en 1846 lui vaut le sobriquet de Badinguet. Elu aux élections législatives de 1848, il devient président de la République la même année. Il met fin à la IIe République par un coup d’État militaire le 2 décembre 1851 et instaure le Second Empire qui perdure jusqu’à la défaite de Sedan (1870).

 

Louis-Napoléon Bonaparte ; H. Walter ; Charasse Editeur (Paris) ; 1848 - source : Gallica-BnF