Décembre 1938. Charlie Chaplin prépare le tournage de son film « Le Dictateur » que les Français ne découvriront finalement en salle qu'en 1945, un mois avant la fin de la Seconde Guerre mondiale.
En partenariat avec « La Fabrique de l'Histoire » sur France Culture
Cette semaine : « Dernières nouvelles des spectacles », Paris Soir, 27 décembre 1938
Lecture Elsa Dupuy
Réalisation Marie-Laure Ciboulet
« Dernières nouvelles des spectacles.
(De notre envoyé spécial permanent)
New-York, 26 décembre.
De source proche de Chaplin et pleinement autorisée, on m'informe que le film Dictateur se situera dans un royaume mythique. Chaplin jouera deux rôles : celui du dictateur et celui de l'humble citoyen perdu dans un camp de concentration. La plupart des scènes auront lieu dans un camp de concentration, la victime étant mise plus en lumière que le dictateur. "Le film n'est nullement dirigé ouvertement contre Hitler, bien que sa ressemblance avec Chaplin-Hitler rende le rapprochement inévitable", me dit-on. (...)
- Après tout, poursuit notre informateur, Charlot n'a pas besoin de se déguiser pour ressembler à Hitler. Sa personnalité existe depuis 1913. C'est Hitler qui ressemble à Charlot. Dans le film projeté le dictateur ne débutera pas nécessairement comme peintre en bâtiment, mais exercera un métier humble quelconque, par exemple tailleur en chambre ou balayeur des rues. "
Ces détails ne sont pas encore fixés, car Chaplin refait continuellement son scénario, tout en tournant ses films, mais les bases fondamentales du Dictateur sont celles-indiquées ci-dessus.
Un ami intime de Chaplin dément par ailleurs que ce film ait plus de signification politique que les précédents.
- Les Temps modernes, selon Chaplin, était, nous dit-il, un simple divertissement bien qu'on y vit une satire politique. De même le Dictateur prendra un thème familier à tous, mais Chaplin niera toute intention politique. Néanmoins toute l'action, étant la description de la vie d'un camp de concentration, représenta "les opprimés pour s'exprimer bien qu'écrasés par le talon d'un dictateur".
Les allégations allemandes selon lesquelles le secrétaire à l'Intérieur Ickes aurait inspiré ce film sont ridicules. Chaplin fait ce film comme tous ses précédents et sans écouter d'autre voix que celle du public qui, jusqu'à présent, lui donna toujours raison. Les protestations allemandes n'intéressent pas Chaplin, ses films étant déjà interdits en Allemagne et en Italie.
La Tchécoslovaquie annonce déjà qu'elle interdira tous les films futurs de Chaplin. Il se peut que le titre Dictateur ne soit pas définitif, pour diverses raisons, entre autres son identité avec la pièce de Jules Romains, Le Dictateur.
H.-J. Salemson »