Écho de presse

Le Premier mai sanglant de Fourmies

le 26/04/2023 par Pierre Ancery
le 02/05/2022 par Pierre Ancery - modifié le 26/04/2023

Le 1er mai 1891 à Fourmies, la police tire sur des ouvriers. Une semaine plus tard, dans un discours devenu célèbre, Clemenceau rendra hommage aux victimes.

Ville industrielle du Nord de la France, Fourmies est le théâtre, le 1er mai 1891, d'un événement sanglant. Pour la seconde fois en France, le 1er mai est une journée consacrée à la manifestation, avec pour principale revendication la journée de huit heures et la hausse des salaires.

Mais à Fourmies, alors qu'a lieu une manifestation pacifique d'ouvriers, la troupe mobilisée par les patrons locaux ouvre le feu sur la foule. Le bilan est de dix morts (dont deux victimes de 11 et 14 ans) et de trente-cinq blessés.

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En France, l'émotion est intense. Toute la presse évoque l'événement : ainsi L'Intransigeant du 4 mai relate les faits, dénonçant la responsabilité de la police dans l'issue sanglante de la manifestation :

« Sous prétexte d’arrêter une émeute qui, en réalité, n’était qu’une manifestation pacifique de la classe des travailleurs, des arrestations illégales avaient été opérées dans l’après-midi. Tout à coup, sans provocation de la part des ouvriers, un gendarme tire un coup de revolver qui excite la colère de la foule. Les ouvriers poussent des cris, des huées. […] Subitement, l’officier qui commande la troupe ordonne un feu de peloton et les soldats tirent sur les ouvriers. Sept de ces malheureux sont tués sur le coup ; on relève des blessés de tous côtés ; plusieurs sont dans un état extrêmement grave. »

Les députés ouvrent un débat à l'Assemblée nationale. Le 8 mai, Georges Clemenceau, alors député radical du Var, prononce un discours à la Chambre qui restera célèbre (ici retranscrit dans La Justice, le journal de Clemenceau) :

« Monsieur le président du conseil, qui pourrait soutenir, ici ou devant l'Europe, devant le monde civilisé, que les faits qui se sont passés à Fourmies avant la fusillade justifient la mort de ces femmes, de ces enfants, dont le sang a pour si longtemps rougi le pavé ! [...] Il y a quelque part, sur le pavé de Fourmies, une tache de sang innocent qu'il faut laver à tout prix ! »

Rendant hommage aux victimes, il annonce la venue d'un « quatrième État » qui « se lève et qui arrive à la conquête du pouvoir ». L'expression, qui désigne le prolétariat, fait référence aux trois États de l'Ancien Régime (noblesse, clergé, tiers état).

« Je dis que le fait capital de la politique actuelle, c'est l'inévitable révolution qui se prépare. […] Ce quatrième État, vous devez ou bien le recevoir par la violence, ou bien l'accueillir à bras ouverts. (Très bien ! Très bien ! À gauche). Le moment est venu de choisir. Si vous lui opposez la violence, c'est la guerre civile que vous léguez à vos enfants […]. Si vous l'accueillez avez un sentiment sincère de cordialité, si vous l'encouragez, si vous l'aidez, si vous écoutez ce qu'ont à dire ces travailleurs, pour chercher à démêler ce qui est immédiatement applicable et ce qui doit fatalement attendre alors, il faut être indulgent. Quand un malheur comme celui de Fourmies s'est produit il faut que la première parole qui s'échappe de vos lèvres soit : oubli ! Apaisement ! paix ! Je vous le demande, où prendrions-nous le droit d'être implacables ? »

Clemenceau réussira à faire voter l'amnistie des manifestants arrêtés. Avec la fusillade de Fourmies, le 1er mai s'enracinera dans la tradition du mouvement ouvrier.