1944 : Oradour-sur-Glane, symbole de la barbarie nazie
Ayant reçu pour mission d'anéantir les groupes de maquisards qui sévissent dans le centre de la France, la colonne Jesser, composée d'unités militaires disparates, dont la 2e division de Panzer SS Das Reich – unité d'élite de 18 000 hommes, tristement célèbre pour avoir commis de nombreuses exactions sur le front de l’Est – arrive à Montauban début juin 1944. Das Reich, qui est placée sous le commandement du très expérimenté général Von Brodowski, a pour ordre de multiplier les fouilles dans les villages de la région afin de détecter les caches d'armes et d'arrêter les résistants.
Mais le 6 juin 1944, la nouvelle du débarquement des troupes alliées réaffecte la division, qui a pour consigne de rejoindre les côtes normandes au plus vite.
Pressés par le temps et voulant venger, avant leur départ, l'assassinat d'un général allemand qui venait d'être commis par les résistants, les troupes commandées par Von Brodowski investissent le village d’Oradour-sur-Glane le 10 juin en début d'après-midi.
Dans son édition du 22 août, le journal Ce Soir publie le récit glaçant d'un témoin :
« Lorsque les Allemands ont pénétré dans Oradour vers 14 heures, ils ont obligé les habitants à sortir de leur demeure et les ont rassemblés sur la place du pays, le champ de foire.
Un interprète les a alors avisés qu'un commandant allemand portant beaucoup de décorations avait été tué à quelques kilomètres d'Oradour, et que les autorités allemandes savaient qu'il existait un dépôt de munitions dans la localité.
L'interprète a alors demandé ou se trouvait ce dépôt. N'ayant pas obtenu de réponse, la population a alors été avisée que le feu allait être mis aux maisons, afin de faire sauter le dépôt clandestin. Le maire prit la parole pour assurer que tout le monde ignorait à Oradour l'existence d'un dépôt de munitions. »
Les Allemands séparent alors les hommes des femmes et des enfants.
Les hommes, au nombre de 180, sont emmenés, sous la menace des armes, dans six lieux d'exécution différents où ils sont systématiquement fusillés dès leur arrivée. Les corps sont ensuite recouverts de paille et de fagots auxquels les SS mettent le feu, pendant que des groupes de soldats pillent les maisons et abattent les quelques fuyards qui avaient réussi à se cacher.
Les femmes et les enfants, au nombre de 350, assistent à ce spectacle avant d'être enfermés dans l'église que les Allemands vont alors incendier. La plus jeune des victimes est âgée de sept mois.
Les atrocités commises par les soldats allemands dépassent tout entendement. Le témoin des exactions poursuit dans Ce Soir son compte-rendu effrayant :
« Au milieu d'un amas de décombres, on voyait émerger des ossements humains calcinés, surtout des os du bassin.
Dans une dépendance de la propriété du docteur du village, j'ai trouvé le corps calciné d'un enfant, dont il ne restait plus que le tronc et les cuisses. La tête et les jambes avaient disparu. »
Le 6 août, L'Écho d'Alger publie la lettre déchirante d'une survivante :
« Chère tante, je viens te charger d'annoncer à ma sœur le grand malheur qui nous frappe ; nous n'avons plus de mère et il ne nous reste plus qu'une fille. Beau-père, belle-mère, oncle, tantes, cousins, cousines, nous n'avons plus personne.
Le pays est tout brûlé à partir du Vignaud de chez Giroux, jusqu'au Bergères, et à Bellevue il ne reste pas une maison. Femmes, enfants, hommes, tout y est passé. On a rassemblé les hommes en haut du champ de foire où on les a fusillés et brûlés ensuite.
Pour deux minutes, notre pauvre Marcelle était passée ; elle allait au travail et était à moitié chemin quand une voiture allemande lui fit faire demi-tour. »
Les 11 et 12 juin, plusieurs détachements SS viennent enterrer les cadavres tandis que la division Das Reich se met en route en direction de la Normandie, comme si rien ne s'était passé.
Le 8 octobre, dans L’Humanité, Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste français, revient sur les atrocités commises par les Allemands pendant la guerre, et celles particulièrement insoutenables d'Oradour-sur-Glane :
« Et ce bébé de trois ans crucifié sur le portail de l'église d'Oradour, le curé de la paroisse lui-même assassiné sur les marches de l'autel, les femmes et les enfants brulés vifs dans l'église incendiée par les Allemands tandis que les hommes d'Oradour tombaient par groupes de vingt sous les balles des mitrailleuses.
Tous les jours, on relève, en France, quelque nouvelle trace des crimes hitlériens. »
L'artisan de cette boucherie est fait prisonnier le 19 septembre à Corre, en Haute-Saône, alors qu'il se cachait dans une grange.
Au même moment, on retrouve par hasard le journal de marche de la colonne Jesser, lequel décrit par le détail ses différents faits d'armes.
Lorsqu'on informe le général Von Brodowski que les Français sont désormais en possession de ce document, celui-ci devint livide. Oradour est en effet la seule « opération » pour laquelle il a pris la peine de consigner les meurtres perpétrés sur des civils innocents. Il est exécuté le 28 octobre.
La 2e division de Panzer SS Das Reich, dont le nom est à jamais lié à ce massacre, terminera en 1945 son périple sanglant dans les plaines de Hongrie. Elle sera entièrement anéantie en tentant de stopper l'avancée soviétique.
Oradour quant à elle est devenue, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le symbole de la barbarie nazie. Depuis 1994, un centre de la mémoire vient rappeler aux jeunes générations le massacre qui fut commis le 10 juin 1944.