Victor Hugo, 1849 : discours enflammé en faveur de la paix universelle
Le 21 août 1849 s'ouvre à Paris le Congrès des amis de la paix universelle, à l'initiative d'une association née en Grande-Bretagne, qui réunit des personnalités d'Europe et d'Amérique. Le contexte en Europe est alors celui d'une effervescence politique qui fait suite aux événements de 1848. En effet, l'année précédente, en France, en Allemagne, en Italie, en Hongrie, en Pologne ou en Belgique ont eu lieu des révolutions qui ont ébranlé l'ordre imposé par le Congrès de Vienne en 1815.
Ce jour-là, parmi les congressistes, des représentants de tous ces mouvements européens sont présents. C'est Victor Hugo, récemment élu à l'Assemblée législative, qui prononce le discours d'ouverture. Celui-ci restera célèbre : l'auteur des Misérables, dans une envolée lyrique qui soulève d'enthousiasme les auditeurs, y déclare sa foi dans le suffrage universel, dans la civilisation et dans le progrès. Le Siècle, qui a dépêché un journaliste sur place, rend compte, le 23 août, de l'ambiance qui accompagne la prise de parole du célèbre écrivain.
« Des hommes venus de tous les Etats de l'Amérique, de tous les points de l'Angleterre, de la Hollande, de la Belgique, de l'Allemagne, de l'Italie, les esprits les plus éminents de France se réunissaient pour s'entretenir en commun de ce qui était une folie il y a quelques années à peine. […] La salle était comble avant l'heure ; l'arrivée de Victor Hugo, celle de Cobden, sont saluées par des vivats et des hourrahs énergiques. »
Le discours de Hugo, aux forts accents mystiques, fait forte impression. Il est intégralement cité par le quotidien :
« Messieurs, cette pensée religieuse, la paix universelle, toutes les nations liées entre elles d'un lien commun, l'Évangile pour loi suprême, la médiation substituée à la guerre, cette pensée religieuse est-elle une pensée pratique ? […] Moi, je réponds avec vous, je réponds sans hésiter, je réponds oui ! […] La loi du monde n'est pas, et ne peut pas être distincte de la loi de Dieu. Or, la loi de Dieu, ce n'est pas la guerre, c'est la paix. »
Plus loin, Hugo prononce une formule qui fera date : celle « d'États-Unis d'Europe ».
« Un jour viendra où l'on verra ces deux groupes immenses, les États-Unis d'Amérique, les États-Unis d'Europe, placés en face l'un de l'autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leur génies, défrichant le globe, colonisant les déserts, améliorant la création sous le regard du Créateur, et combinant ensemble, pour en tirer le bien-être de tous, ces deux forces infinies, la fraternité des hommes et la puissance de Dieu. »
Sa conclusion est une sorte de programme :
« Désormais, le but de la politique grande, de la politique vraie, le voici : faire reconnaître toutes les nationalités, restaurer l'unité historique des peuples, et rallier cette unité à la civilisation par la paix ; élargir sans cesse le groupe civilisé, donner le bon exemple aux peuples encore barbares, substituer les arbitrages aux batailles, enfin, et ceci résume tout, faire prononcer par la justice le dernier mot que l'ancien monde faisait prononcer par la force. »
Victor Hugo, qui est aussi le président du Congrès, prendra encore la parole le troisième et dernier jour, le 24 août. C'est la date anniversaire de la Saint-Barthélémy : alors que tout le monde l'applaudit, il en profite pour adresser aux congressistes un nouveau message d'espoir. La Presse retranscrit ses paroles :
« Frères, j'accepte ces acclamations, et je les offre aux générations futures. (Applaudissements répétés.) Oui ! que ce jour soit un jour mémorable, qu'il marque la fin de l'effusion du sang humain, qu'il marque la fin des massacres et des guerres, qu'il inaugure le commencement de la concorde et de la paix du monde, et qu'on dise : le 24 août 1572 s'efface et disparaît sous le 24 août 1849 !!! »