En août 1943 dans la presse clandestine résistante, l'heure n'est plus à la prudence, mais à l'action. Combat enjoint le plus grand nombre à rejoindre la « Résistance Totale » pour lutter contre l'occupation nazie, et ce par tous les moyens nécessaires.
Combat est un journal clandestin fondé par le Mouvement de Libération nationale (MLN), un groupe de résistance française fondé par Henri Frenay et Berty Albrecht, en 1940. Le titre est distribué en zone nord et sud, et communique sur la logistique, les interventions militaires, le renseignement et la propagande du mouvement, tenant ainsi un rôle essentiel dans son développement.
Le 1er août 1943, l'édito appelle à la « Résistance Totale », en opposition à des actions limitées, réalisées jusqu'alors avec une certaine prudence. La lutte contre l'occupation nécessite selon le rédacteur (anonyme, comme il se doit, et dans une langue enfiévrée) l’appui du plus grand nombre, et ce, par « tous les moyens ».
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LA RÉSISTANCE TOTALE
Vous la connaissez, mes camarades, la chiennaille terrorisée qui, depuis trois ans, piaille son ignoble détresse et supplie les Français d’attendre sans rien faire que la guerre se termine.
Vous connaissez cette racaille qui crie : « Si vous agissez, vous augmenterez notre misère ! ». Et, vous savez bien que quiconque par quels « NON », la Résistance ne cesse de leur répondre. L’odieux tumulte des lâches est sans cesse dominé par les explosions de nos bombes qui détruisent les installations de l’ennemi, par le bruit de nos balles qui châtient les traîtres, et aussi par l’appel inoubliable de nos martyrs qui succombent et nous disent de ne pas abandonner le combat.
Mais voici, s’élevant au-dessus de toutes les voix et de tous les tumultes, que nous parvient de l’extrémité de l'Europe une clameur chaque seconde plus haute, celle de la Victoire. Cependant jamais les exhortations au calme, les supplications des traîtres et de leurs complices inconscients n’ont été aussi pressantes.
Fait singulier : au début de Juillet, le même jour, Laval le trafiquant de notre Honneur, nous adjurait à Paris, en même temps que Sauckel, gauleiter à l’esclavage, nous conjurait de Berlin de nous tenir loin de la lutte. Au cours d’une conférence préliminaire, les deux sinistres voyous avaient dû, sans le vouloir, mélanger leurs papiers, car à les entendre l’un et l'autre, c’était Laval qu'on eût pris pour le gauleiter, et Sauckel qui s’efforçait de faire figure de patriote français dévasté par l’angoisse de voir la France transformée en champ de bataille !
Le jour sinistre où la métropole fut investie par ses bourreaux, les Français véritables ne se laissèrent pas prendre à l'appel que d’une voix sénile lançait l'ex-Maréchal qui disait qu'on surmonte une défaite en s’y résignant.
La Résistance était née.
Longtemps, ici même, nous avons donné des conseils de prudence. Nous ne cesserons pas de répéter que les premières conditions du travail efficace ce sont l’habileté et une certaine prudence.
Une certaine prudence et non la peur.
L'heure de la Résistance totale est enfin venue. Faisons taire à coups de botte les pleureurs de Laval et de Sauckel ! et chassons avec eux ceux qui voudraient transformer la Résistance en parti politique.
A l’action !
Par tous les moyens, là où vous êtes, vous devez lutter avec nous. Vous devez vous dire que tout acte contre l’occupant hâte la Victoire.
Chaque retard apporté aux communications ennemies est un début de paralysie qui frappe la Pieuvre.
Chaque fois qu’un véhicule ennemi est détruit ou endommagé, c’est une chance d’échapper au châtiment qui est retirée au Boche.
Chaque perturbation dans les services allemands est un gain pour les Alliés.
Oui, l’heure est venue de passer à la Résistance totale.
Ne vous laissez pas endormir ni par les plaintes de ceux qui défaillent de peur, ni par les comitards politiciens qui, aujourd’hui comme hier, veulent tout casser, sauf l’assiette au beurre.
L’heure de l’action totale de la Résistance totale a enfin sonné. Aidez-nous. Tous sur la brèche.