La cession de la Savoie et de Nice à la France
En avril 1860, les électeurs du duché de Savoie et du comté de Nice votent à la quasi-unanimité leur rattachement à la France. La cession de ces deux territoires est la contrepartie du soutien de Napoléon III à l’entreprise d’unification italienne menée par le roi du Piémont-Sardaigne, Victor-Emmanuel II.
L’alliance franco-piémontaise face à l’Autriche
Napoléon III veut mettre un terme à l’ordre instauré par le congrès de Vienne (1815) fondé sur l’équilibre des puissances et la domination de l’absolutisme (Autriche, Russie) et récupérer les territoires frontaliers perdus à la suite de l’effondrement de l’Empire en 1814-1815, à savoir le duché de Savoie et le comté de Nice (intégrés par la France révolutionnaire en 1792-1793).
Les patriotes italiens aspirent à la constitution d’un État-nation et à l’unité italienne (Risorgimento). L’échec du mouvement révolutionnaire italien en 1848-1849 (« Printemps des peuples »), écrasé par l’Autriche, les amène à privilégier une voie monarchique, autour du roi de Piémont-Sardaigne, Victor-Emmanuel II. Napoléon III, défendant le principe des nationalités, devient progressivement favorable à l’unité italienne après la tentative d’attentat d’Orsini le 14 janvier 1858 contre l’Empereur. Il écrit deux lettres à Napoléon III, l’accusant d’avoir renié ses idéaux de jeunesse quand il appartenait à la mouvance des Carbonari (société secrète de patriotes italiens), et l’implorant d’aider l’Italie à s’unifier. Le Moniteur publie la première lettre d’Orsini que reprend La Presse à l’issue de son procès. Napoléon III transmet la seconde datant du 11 mars 1858, deux jours avant son exécution, à Cavour pour la faire publier dans la Gazette piémontaise.
L’entrevue de Plombières entre Napoléon III et le Premier ministre piémontais Cavour (21-22 juillet 1858) scelle l’alliance franco-piémontaise qui est officiellement signée le 26 janvier 1859. La France soutient, en contrepartie de la cession de la Savoie et de Nice, la constitution d’un royaume d’Italie du Nord comprenant le Piémont, la Lombardie et la Vénétie, préservant les États de l’Église, un royaume d’Italie centrale et le royaume de Naples.
Une campagne d’Italie victorieuse mais sans gains territoriaux pour la France
Le Piémont provoque l’Autriche qui lui déclare la guerre en avril 1859, à laquelle Napoléon III participe au côté de Victor-Emmanuel II. La campagne française en Italie est victorieuse mais meurtrière : Montebello (20 mai 1860), Magenta (4 juin 1860) qui ouvre la voie de la Lombardie (entrée triomphale de l’empereur et du roi piémontais le 8 juin dans Milan) et Solferino (24 juin 1859) - dont la tuerie est à l’origine de la création de la Croix-Rouge par Henri Dunant.
Napoléon III, ébranlé par la violence des combats, contesté en France par les catholiques et confronté aux inquiétudes de la Russie et de la Grande-Bretagne, propose un armistice à l’Autriche, signé à Villafranca, qui se transforme en préliminaires de paix au grand dam de Cavour du 8 au 11 juillet 1859.
Conscient de ne pas avoir respecté ses engagements, il rétrocède au Piémont la Lombardie, reçue de l’Autriche à l’issue de l’armistice et renonce temporairement à la Savoie et à Nice. Pourtant, cette guerre inachevée relance les négociations et les convoitises sur ces territoires de la France mais également de la Suisse dès l’été 1859. Dès le 1er mars 1860, Napoléon III proclame son intention de « réclamer les versants français des Alpes ». Une délégation savoisienne partisane du rattachement à la France est reçue aux Tuileries le 21 mars 1860 par Napoléon III : l’Empereur veut donner l’impression que la réunion de Nice et de la Savoie à la France est l’émanation d’une volonté des peuples et non le fait d’une tractation diplomatique.
La Savoie et Nice en échange de l’unification italienne
Le traité de Turin, signé le 24 mars 1860 entre la France et le Piémont, officialise « la réunion de la Savoie et de l’arrondissement de Nice à la France ». L’article 1 stipule que cette décision diplomatique doit être ratifiée par consentement des populations. Le 1er avril, Victor-Emmanuel II délie ses sujets de leur serment de fidélité. Puis deux plébiscites ont lieu les 15-16 avril dans le comté de Nice et les 22-23 avril en Savoie, au suffrage universel masculin : la victoire des partisans de la France est totale (plus de 99 % de oui). L’empereur rend sa première visite à ses nouveaux sujets en septembre 1860.
En contrepartie, Napoléon III facilita sur le plan diplomatique la réunification italienne depuis le rattachement de la Toscane, Parme et Modène (ratifiés également par plébiscite) jusqu’à « l’expédition des Mille » de Garibaldi, patriote italien, qui prend le contrôle du royaume de Naples. Le 23 mars 1861 : le royaume d’Italie est proclamé.
Plusieurs cérémonies officielles commémorent la réunion de la Savoie et de Nice à la France et stimulent le patriotisme républicain. Le Petit Journal illustré évoque l’inauguration du monument du centenaire de la réunion du comté de Nice (mars 1896) par le président de la République Félix Faure et la cérémonie du cinquantenaire de la réunion de la Savoie en présence du président Armand Fallières (septembre 1910).
Camillo Cavour (1810-1861)
Aristocrate piémontais (comte), défenseur des idées libérales, il fonde le journal Il Risorgimento en 1847 dans lequel il soutient les aspirations nationales italiennes. Député puis président du Conseil de 1852 à 1861, il modernise le royaume de Piémont-Sardaigne, donne une stature internationale à son pays en participant à la guerre de Crimée et est le principal acteur de l’unification italienne. Épuisé, il assiste à la proclamation du royaume d’Italie peu de temps avant sa mort en juin 1861.
Bibliographie
Christian Sorrel, Comment la Savoie et Nice sont devenues françaises, dans L'Histoire, n°351, mars 2010, pp. 8-15.
Jean-Marie Mayeur, Christian Sorrel, Yves-Marie Hilaire, La Savoie, tome 8, Paris, Beauchesne, 1996.
Quentin Deluermoz, Le Crépuscule des révolutions, 1848-1871, Histoire de la France contemporaine, tome 3, Seuil, Paris, 2012.
Sylvie Aprile, La Révolution inachevée 1815-1870, Belin, Paris, 2010.