Un auteur ou journaliste dans la famille ? Retrouvez sa trace dans RetroNews !

Un membre de ma famille, Paulin Guillaume Neulat (1819-1885) est qualifié d’« homme de lettres » sur son acte de décès du 5 mars 1885 à Paris 7e. Il est âgé de 66 ans, le fils d’Hilaire Neulat et d’Anne Teyssedre et l’époux de Louise de Maigne de Sarazac. Le déclarant du décès n’est autre que son fils Joseph Neulat, 30 ans, lieutenant au 72e régiment de ligne (dont j’ai déjà eu l’occasion de retracer le parcours grâce à RetroNews). « Homme de lettres », voici une profession – que dis-je un état, un statut ! – qui se démarque de celles des cultivateurs ou artisans ô combien courants. Voici trois mots qui suscitent naturellement la curiosité et qui appellent à un imaginaire : celui de l’érudit du XIXe siècle plongé dans ses livres et à même de disserter sur tous les sujets. Les questions surgissent instantanément : quelles œuvres a-t-il écrites ? A-t-il été prolifique ? Était-il renommé ? 

Pour retrouver la trace d’un écrivain, le premier réflexe est de consulter le catalogue général de la BnF et d’effectuer une recherche par nom d’auteur. Hélas, aucun Paulin Neulat, aucun Guillaume Neulat n’est référencé. Une recherche plus large sur le patronyme Neulat, heureusement peu courant, offre 56 notices bibliographiques dont 3 relatives à un certain Paul Neulat qui aurait écrit 3 ouvrages, édités à Clermont-Ferrand en 1846 :

•    « Géographie du département du Puy-de-Dôme, précédée d'un résumé de l'histoire d'Auvergne, accompagnée de notions sur l'industrie, les curiosités, les antiquités et les hommes célèbres de ce département, à l'usage des écoles primaires »

•    « Code-Lexique de l'instruction primaire »

•    « Premiers éléments de grammaire française extraits des meilleurs auteurs »
 

Or, Paulin Guillaume était sous-inspecteur de l’instruction primaire du département du Puy-de-Dôme à cette époque. Il s’agit bien de notre homme. On pourrait donc en conclure, hâtivement, que Paulin Guillaume Neulat, sous-inspecteur puis inspecteur de l’instruction primaire, s’est contenté de publier trois manuels scolaires. N’est-ce pas un tantinet léger pour se qualifier d’homme de lettres ?

Heureusement, la presse ancienne va profondément enrichir notre enquête grâce aux possibilités de la recherche avancée de RetroNews (réservée aux abonnés). Une première tentative sur les mots-clés « Neulat homme lettres » au sein du même paragraphe ne renvoie qu’un seul résultat certes, mais particulièrement intéressant. Il s’agit d’un extrait du Journal officiel de la République française du 28 octobre 1874 :

« Ministère de la guerre
ECOLE SPECIALE MILITAIRE
LISTE par ordre alphabétique, des candidats nommés élèves à l'école spéciale militaire, auxquels, suivant les propositions des conseils d'instruction et d'administration de l'école, il a été accordé des bourses et des demi-bourses.
ELEVES ADMIS AVEC BOURSE
...
Neulat, le père homme de lettres et professeur, 3 enfants ; insuffisance de ressources. »

L’élève en question n’est autre que le futur colonel Joseph Neulat dont le père, « homme de lettres et professeur », est l’objet de toute notre attention. Ces deux lignes sont particulièrement instructives puisqu’elles nous révèlent que :

•    Paulin Guillaume Neulat est déjà, en 1874, professeur et hommes de lettres.

•    Il a 3 enfants dont un, probablement né en 1854, admis en 1874 à l’école spéciale militaire.

•    Il ne vit pas dans l’opulence.

Poursuivons nos recherches en tâchant de retrouver la mention du décès de Paulin Guillaume. Pour ce faire, saisissons les termes « Neulat décès » tout en restreignant la date de publication à la période du « 01/01/1885 au 31/12/1885 ». 8 extraits de journaux s’offrent à nous dont 4 intéressants :

•    Le Siècle du 10 mars 1885 annonce le décès de « M. Neulat, 66 ans, rue du Bac, 128 ».

•    Le Journal des débats politiques et littéraires du 11 mars 1885 précise que « M. Neulat, 66 ans, rue du Bac, 128 » a été inhumé le 7 mars, précision intéressante puisqu’absente de l’acte de décès.

•    La Liberté du 13 mars 1885 confirme l’information précédente.

•    Quant au journal Le Petit Moniteur universel du 8 mars 1885, il livre des renseignements inédits et inespérés à travers sa nécrologie de l’écrivain :  

Cet article constitue un concentré de renseignements généalogiques inestimable. Non seulement il nous révèle l’adresse du défunt, son lieu d’inhumation, des éléments sur sa réputation, son caractère et la nature de ses contributions, mais surtout, il nous dévoile son pseudonyme : P. Maigne ! Il ne témoigne pas d’une originalité excessive puisque P. fait écho à Paul et Maigne est le nom de son épouse…

Il est à noter qu’une autre approche aurait permis de découvrir des résultats supplémentaires tirés des journaux Le Constitutionnel ou Le Mot d’ordre (ces résultats ne fournissant néanmoins aucune information additionnelle). Par quel moyen ? En procédant à la simple recherche du nom « Neulat » sur la période du 01/03/1885 au 01/04/1885. En effet, plus on recourt à un nombre élevé de mots-clés et plus on restreint le nombre de résultats mais plus on risque d’exclure des résultats pertinents dont l’un des mots-clés aurait été mal océrisé (i.e. transcrit automatiquement). Subtilité à garder en mémoire !

Fort de ces nouveaux éléments, poursuivons notre investigation à l’aide de la combinaison « Neulat Maigne » dans le même paragraphe. Un nouvel extrait de journal fait son apparition. Il s’agit d’une brève mention dans La Gazette de France du 1er août 1883 à propos d’un fils de Paulin Guillaume :

« Petit séminaire de Notre-Dame-des-Champs
Hier lundi, son Eminence le cardinal archevêque de Paris a présidé la distribution des prix des élèves du petit séminaire de la rue Notre-Dame-des-Champs. Il a prononcé une fort touchante allocution.
La liste suivante reproduit les noms des élèves qui ont été le plus fréquemment nommés :
...
Seconde MM. Paul Vendrie, Armand Pichon, Henri Jenny, Louis Meistez, Louis Neulat-Maigne, Florentin de la Bastide, Maurice Pique, Eugène Schett. »

Tentons à présent notre chance en recherchant la présence du terme « Neulat » dans le titre de publication « Le Petit Moniteur universel ». Sans intérêt. Reste à rechercher le terme « Maigne » dans ce même journal. 101 résultats nous sont offerts, que nous trions par date croissante. Nous nous apercevons rapidement que notre auteur partage l’affiche avec le député de la Haute-Loire, Jules Maigne. A la lecture des différents résultats, il ressort que P. Maigne tenait une rubrique intitulée « La science pour tous » dans laquelle il abordait une variété incroyable de sujets techniques et scientifiques, dont certains étaient croustillants, si j’ose dire, comme celui de cet article du 27 mars 1880 relatif à la dégustation des sauterelles :
 

Un article du 12 février 1880 laisse penser qu’il s’agissait d’une rubrique hebdomadaire, publiée le mercredi puis le jeudi. En pratique, sa parution semble nettement plus chaotique. En recherchant l’expression « la science pour tous » dans ce journal afin d’élargir la recherche, on constate que P. Maigne a succédé à Ernest Lacan et qu’il a tenu cette rubrique d'août 1879 (voire mai) à mars 1884. Plus de 100 articles de Paulin Guillaume Neulat sont ainsi accessibles dans RetroNews ! Chaque article traitant de multiples sujets, Paulin Guillaume a prêté sa plume à un nombre impressionnant de thématiques scientifiques. A titre d’exemple, l’article du 27 mars 1880 aborde les aérolithes, l’influence de la lumière électrique sur la végétation, l’utilisation des sauterelles, les houillères et leurs conditions économiques d’exploitation ainsi que l’alizarine artificielle. Belle prouesse pour un bachelier ès lettres !

Les chasseurs d’ancêtres le savent : la recherche généalogique est itérative. Un indice en amène un autre, une piste en appelle une autre, et l’on progresse ainsi, par sauts de puce, de source en source, quitte, parfois, à passer et repasser par les mêmes chemins, avec un regard chaque fois différent. Cette enquête n’échappe pas à la règle et retournons à la case départ : le catalogue général de la BnF. Avec de nouvelles cartes en main, recherchons les auteurs du nom de « Maigne ». 344 notices bibliographiques sont proposées ! Parmi ces 344 notices, 99 sont associées à un certain W. Maigne né en 1819 à Caylus (Tarn-et-Garonne)…

Or, Paulin Guillaume Neulat est né en 1819… mais à Cahors dans le Lot, à 45 km. La coïncidence est troublante, et ce d’autant plus qu’il est aisé de constater que les registres d’état civil de Caylus ne comportent aucune naissance au nom de Maigne en 1819, ni les années précédentes ni les suivantes. Par ailleurs, aucun individu dénommé W. Maigne n’apparaît dans aucune base de données généalogique. Et à quel prénom pourrait bien correspondre l’abréviation W. ? William pour Guillaume, deuxième prénom de Paulin Guillaume Neulat ? Ces différentes coïncidences, ajoutées aux thématiques scientifiques et techniques des ouvrages publiés par W. Maigne, ne laissent planer, selon moi, aucun doute sur la véritable identité de ce vulgarisateur scientifique prolifique.

Grâce à RetroNews, c’est un pan entier, inattendu, de la vie de Paulin Guillaume Neulat qui nous est dévoilé. Sa renommée, ses traits de caractère, les thématiques de ses publications (dont certaines sont en ligne dans Gallica) nous sont révélés en filigrane. N’est-ce pas fantastique ?

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Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiques, Retrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.