Pour votre thèse Les filles de Marianne. Histoire des féminismes 1914-1940, vous vous êtes plus particulièrement appuyée sur la presse. Cette source a-t-elle eu une place particulière dans l’expression de la première vague féministe ?
La presse a toujours joué un rôle majeur. Dès 1832, avec la création du journal La Femme libre, par des saint-simoniennes. C’est par centaines que se comptent les journaux féministes. Ils veulent porter « la voix des femmes » (un titre qui a servi à plusieurs reprises), proposent des analyses de fond mais relatent aussi les actions, s’ouvrent également au témoignage à la première personne, à la critique artistique et littéraire, au feuilleton, ainsi qu’à l’image – photos, dessins d’humour. L’importance de la presse dans la dynamique féministe est un fait majeur et montre la nécessité de contre-discours, mais aussi d’argumentaires en faveur du changement culturel et politique. Le rapport entre l’usage de l’écrit (écriture et lecture) et le statut des femmes dans un monde inégalitaire qui les voue à la sphère privée doit être réfléchi. La presse militante fut pour moi une source déterminante : elle m’a aidée à reconstituer l’univers mental des féministes du premier XXe siècle, à mieux les connaître (portraits, nécrologies…), à analyser leurs discours et leurs stratégies. La diversité de sensibilité politique et philosophique de ces journaux est également précieuse.
Encore faut-il que ces journaux soient accessibles… Le programme FemEnRev (Féminismes en revues), lauréat de l’appel à projets de Collex-Persée, que j’anime avec une autre historienne, Magali Guaresi, a justement pour but de numériser, enrichir et mettre à disposition de la recherche des revues féministes françaises de la seconde moitié du XXe siècle. Une vingtaine de titres publiés entre 1944 et 2019 ont été retenus et sont désormais disponibles, enrichis de métadonnées issues de la recherche, sur une « perséide ». Sur ce qu’apporte la perséide et l’histoire de ces revues, un colloque a lieu les 16-17 novembre à l’Université d’Angers.
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Pour en savoir plus
Christine Bard, Les Filles de Marianne. Histoire des féminismes. 1914–1940, Paris, Fayard, 1995.
Christine Bard, Annie Metz, Valérie Neveu, Guide des sources de l’histoire du féminisme, Rennes, PUR, « Archives du féminisme », 2006.
Christine Bard, Féminismes. 150 ans d’idées reçues, Paris, Le Cavalier bleu, 2020.
Christine Bard, avec Jean-Marie Durand, Mon genre d’histoire, Paris, Puf, 2021.
Michelle Perrot, Les femmes ou les silences de l’histoire, Flammarion, Paris, 1998.