Gustave Kahn, cette fois dans Le Mercure de France (15 novembre 1931), juge que Claudot fait partie de ces « jeunes peintres au métier sûr, indifférents à la mode, épris de réalité transfigurée uniquement par la joie de peindre et l'amour du thème choisi ».
« [C’est] toute une série de types populaires, sampaniers, chiffonniers, marchands de viande cuite, godilleurs, tragédiens en costume hiératique, masqués et armés, étudiantes au type lisse et hardi, porteurs d'eau, mendiants et des groupes de faméliques d'une intense expression de détresse, décharnés et noirâtres. […]
C'est une précieuse série de notes, le plus souvent détaillées, sur la vie populaire en Chine. Elle y apparaît aussi miséreuse près des usines électriques auxquelles le peintre a tout de même donné une place, qu'aux limites des grands jardins. »
D’autres journalistes font brièvement allusion au contexte politique que traverse la Chine, qui a profondément affecté le séjour de l’artiste ; il a en effet assisté à Pékin à l’exécution de plusieurs étudiants révolutionnaires de l’école.
Durant l’automne 1927, il reçoit des courriers de ceux qui, avec Lin Fengmian, ont fui la capitale, qui est, encore pour peu de temps, sous la coupe du seigneur de guerre Zhang Zuolin. Fegdal (ABC Littéraire et artistique) écrit :
« Il demeurera cinq [en fait quatre] années en Extrême-Orient, malgré le danger, les troubles politiques, les révolutions et la xénophobie ». Turpin, en une phrase erronée, résume une situation complexe. Si Claudot doit quitter Pékin, c’est juste que « le gouvernement instable ne payait plus ses fonctionnaires. »
En réalité, c’est la répression contre les communistes qui contextualise ces bouleversements : Lin Fengmian est démis de ses fonctions de directeur ; les études de nu proposées dans les cours de Claudot font scandale… Selon Claudot (L’Essor, 1929), l’école est même fermée (ce qui n’est sans doute pas le cas).
C’est sans doute Michel Florisoone (L’Art et les artistes, p. 96-97) qui rappelle le plus les difficultés, notamment matérielles, que rencontre alors l’artiste. Mais le critique s’intéresse avant tout au rôle du Claudot enseignant d’art et médiateur de l’art français en Chine, le comparant à celui, en fait plus officiel, de Victor Tardieu, à l’École des Beaux-arts de Hanoï :
« Il y accomplit – on peut résumer ainsi son œuvre – trois tâches : d'abord aider les Chinois à retrouver leur art propre; servir ensuite l'art français, et enfin se perfectionner lui-même en enseignant les autres. »
Ce rôle joué par Claudot en Chine n’est pourtant pas vraiment reconnu une fois son retour en France. L’artiste sera ainsi cantonné dans la « figure exotique » et caricaturale du peintre ayant vécu en Chine, accueillant ses visiteurs parmi ses toiles chinoises, avec de la musique jouée sur un gramophone ramené d’Asie, comme d’autres objets… Yvanhoé Rambosson, dans Mobilier et Décoration, dira de lui :
« Quatre ans durant, à Pékin d'abord, ensuite à Hangtchéou, André Claudot va se mêler intimement à la vie populaire chinoise, en peintre, en curieux, en observateur philosophe.
Au milieu des événements révolutionnaires, ayant à surmonter de continuelles vicissitudes, il accumule des notations d'une exceptionnelle saveur, que nous vîmes rassemblées, en 1931, à la galerie Barreiro et en 1932, à Dijon, au Salon de l'Essor. [...]
Évocations puissamment synthétiques d'un Etat à la fois barbare et raffiné ! Je crois que rien ne peut donner à un Européen une idée plus complète de la Chine que les œuvres d'André Claudot. »
La Chine restera toujours présente dans la vie de l'artiste. Cependant, avec la crise économique, Claudot n'accèdera pas à la notoriété. Rentré en Bourgogne en 1935, peintre engagé jusqu'à la fin de sa vie, il deviendra ensuite socialiste, puis communiste, via la Résistance.
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Pour en savoir plus :
Rachel Mazuy, Jessica Watson, André Claudot. La couleur et le siècle, catalogue de l’exposition « André Claudot. La couleur et le siècle », Musée des Beaux-Arts de Dijon du 25 juin au 20 septembre 2021
Rachel Mazuy, Un texte autobiographique d’André Claudot pour le Maitron. Avril 1974», in « Circulations, transferts et engagements politiques », Hypothèses, 4 septembre 2018 [en ligne]
Jean Maitron et Rachel Mazuy, « Claudot, André », Le Maitron. Dictionnaire biographique Mouvement ouvrier Mouvement social, 25 octobre 2008 (6 mars 2021) [en ligne].
Jean Nicolaï et Jean-Marie Troussard, André Claudot : un peintre en Occident et Orient, Taipei, Gallery 333, 2021.
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L'exposition du Musée des Beaux-arts de Dijon est encore visible jusqu'au 20 septembre 2021 (entrée libre et gratuite). Des journées d'études et une table ronde se tiendront à Dijon (Nef, 1 place du théâtre) et à Saint-Denis (auditorium du GED du campus Condorcet) les 16-17 et 20 septembre.