C’est finalement la Chambre elle-même qui, par l’abstention, renversera le Gouvernement. Et, mieux encore, en pleine Seconde Guerre mondiale, en mars 1940.
Tandis que la Drôle de guerre met les nerfs des Français à rude épreuve, 230 députés votent la confiance au gouvernement – très populaire – d’Edouard Daladier et aucun ne vote contre.
Mais 300 s’abstiennent.
Ce vote confirmant celui du Sénat, Daladier remet la démission de son Gouvernement au Président de la République. Selon L’Intransigeant, ce sont les choix stratégiques qui ont été sanctionnés par la Nation :
« Ce que la Nation et la représentation parlementaire demandent, c'est un véritable renouvellement des méthodes. »
La Tribune de l’Aube se voulait rassurante quant au choix des abstentionnistes :
« La séance d’hier à la Chambre aura des conséquences heureuses pour le pays si M. Reynaud sait s’entourer d’hommes qui n'aient qu’un programme, qu’un projet, VAINCRE »
On sait ce qu’il en fut.
Et les Français purent, alors, méditer les paroles d'un discours de Léon Gambetta (1877) qu'ils avaient pourtant régulièrement entendu et commenté sur les bancs de l'école :
« Je voudrais qu’on fît bien pénétrer dans la tête de l’électeur, que ce bulletin de vote, que ce carré de papier, c’est sa destinée, que c’est lui – quand il écrit un nom sur son carré de papier – qui [se] prononce souverainement sur le bien ou le mal qui doit lui arriver.
Retenez bien que vous pouvez influer sur l’administration, sur les finances, sur les fonctionnaires, sur les lois, sur tout enfin, à l'aide de ce carré de papier, parce que le jour où vous votez, vous êtes les maîtres. »
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Édouard Sill est historien, docteur en histoire, spécialiste de l'entre-deux-guerres, notamment de la guerre d’Espagne et de ses conséquences internationales. Il est chercheur associé au Centre d’Histoire Sociale des Mondes Contemporains.