La guerre franco-prussienne accentue les difficultés du secteur de la nouveauté, où le nombre de faillites se multiplie. Grandir et se diversifier semblent alors être la panacée pour éviter la crise et se distinguer de la concurrence. C’est dans ce contexte que le nombre de grands magasins proposant une offre de produits parfumés se renforce au cours des décennies suivantes : au moins onze enseignes décident d’ouvrir un rayon de parfumerie entre 1872 et 1899, parmi lesquelles les Grands Magasins du Louvre en 1877 et le Printemps en 1884.
Ainsi, à l’extrême fin du XIXe siècle, posséder un rayon de parfumerie paraît indispensable dans la stratégie de croissance de tout grand magasin cherchant à s’assurer la primauté sur ses concurrents – ou au moins à rester compétitif. Malgré le mécontentement de certains de ses actionnaires, craintifs de proposer d’autres marchandises que celle de la confection masculine, la Belle Jardinière fait par exemple le choix d’ouvrir un rayon de parfumerie et de bonneterie en 1899.
Afin de concurrencer la vente directe d’articles de parfumerie dans les boutiques des parfumeurs, circuit de distribution traditionnel sur ce marché, les grands magasins mettent en place divers dispositifs marchands destinés à attirer l’attention des consommateurs.
Ils communiquent tout d’abord sur le prix de leurs produits, censés être meilleur marché que ceux vendus par les parfumeries. Pour promouvoir ce nouveau rayon, le Tapis Rouge indique par exemple dans une réclame que les clients pourront réaliser entre « 60 et 80 pour 100 d’économie ». C’est très certainement le discours le plus classique porté par les grands magasins, qui se targuent de pouvoir proposer à leur clientèle des articles moins onéreux qu’ailleurs en se fournissant directement chez le fabricant et éviter de cette manière des coûts liés à l’emploi d’un intermédiaire.
Dans un article de publicité rédactionnel, le Coin de Rue, situé rue Montesquieu, explique ainsi cette stratégie à l’occasion de l’ouverture de son rayon de parfumerie en 1872 :
« Pour lui être agréable, non content de lui offrir les plus beaux costumes et les plus splendides soieries, il s’est fait parfumeur. Qui gagne-t-il ? le plaisir d’une gracieuse et délicate attention.
Le Coin de rue achète et vend au prix du commissionnaire, voilà comment ses prix sont beaucoup moins élevés que ceux des fabriques auxquelles il s’adresse.
C’est assez dire qu’il ne fait pas une affaire de la parfumerie. »
Toutefois, du fait d’une absence de régulation, des conflits peuvent apparaître entre fabricants et grands magasins à l’occasion de la pratique par ces derniers du « gâchage des prix », soit la mise en vente de marchandises à un prix inférieur au prix d’achat auprès des producteurs.
En 1868, dans les mois qui suivent l’inauguration de leur rayon parfumerie, le Tapis Rouge et les Villes de France sont assignés en justice par les fabricants de l’eau dentifrice du docteur Pierre au motif qu’ils la « revendent […] à un prix inférieur au prix qu’ils ont payé » auprès de ces derniers.